Mutation (biologie)
mutation
(biologie), modification brusque et irréversible du matériel génétique
aboutissant à une variation de la séquence des bases azotées de l’ADN.
Lorsqu'une mutation apparaît dans une cellule sexuelle, ou gamète, elle est
transmissible à la descendance et, le plus souvent, stable. On distingue deux
types de mutations : les mutations dites géniques, qui affectent la séquence
d’un gène, et les mutations chromosomiques, qui concernent des segments entiers
d’un chromosome (inversion, délétion…).
Une mutation peut être sans conséquence sur le
gène touché et la protéine pour laquelle il code (dans ce cas, elle passe
inaperçue), mais elle peut aussi être à l'origine d'une maladie, d'un
dysfonctionnement ou d'une anomalie du développement d'un être vivant, voire
être létale. De nombreuses mutations entraînent une modification du phénotype
(ensemble des caractères observables au niveau d’un organisme — l’ensemble des
gènes caractérisant cet organisme étant appelé génotype) sans conséquence
défavorable, ni favorable. À l’inverse, mais très rarement, certaines mutations
peuvent s’avérer favorables si le gène ainsi modifié code pour une protéine
mieux adaptée à l'exécution d'une fonction préexistante, ou si elle confère à
l’organisme un caractère lui assurant une meilleure adaptation à son milieu. Les
mutations sont la condition sine qua non de l’évolution biologique.
Les agriculteurs et les éleveurs à la recherche
de races animales ou végétales les mieux adaptées aux besoins de l’homme
(voir sélection) observèrent très tôt (les premières traces de ces
pratiques remontent à environ 10 000 ans av. J.-C.), de façon empirique, les
mutations et la variation génétique qu’elles impliquent dans les populations. Au
xixe siècle, Gregor
Mendel et Charles Darwin signalèrent des variations au sein des espèces, concept
contenant en germe le concept de mutation. Mais c’est à Hugo De Vries, qui
relate, en 1901, la présence de feuilles géantes d’onagre dans les cultures
florales, que l’on doit le terme de mutation. Cependant, à peu près à la même
époque, ce sont surtout les travaux de Thomas Hunt Morgan sur la drosophile qui
sont le point de départ d’études sur les mutations.
Les mutations peuvent résulter d'anomalies
survenant directement au cours de la réplication de l'ADN par manque de
précision du processus de duplication lui-même. Il s'agit alors de mutations
dites spontanées (voir gène). Ce sont des événements relativement
fréquents, dont certains sont responsables de maladies héréditaires.
Dans d'autres cas, les mutations sont
provoquées par des substances chimiques ou par l’exposition à des rayonnements
ionisants (on parle de mutations induites). Ainsi, certaines substances peuvent
s'intercaler dans la double hélice de l'ADN ou modifier la structure de ses
composants (agents désaminants). Des composés chimiques comme la 2-aminopurine
peuvent s'incorporer directement dans l'ADN en remplaçant une des quatre bases
de l'ADN. Les rayonnements ionisants tels les rayons X, β ou g qui sont produits par des substances
radioactives, ont également un important pouvoir mutagène (pouvoir d'introduire
des mutations dans le matériel génétique).
On connaît le taux de mutations spontanées d'un
assez grand nombre de gènes dans différentes espèces. Elles sont beaucoup plus
fréquentes chez les bactéries (qui produisent un très grand nombre de
descendants par reproduction asexuée) et les virus que chez les animaux
supérieurs, par exemple. En moyenne, une cellule sexuelle sur 100 000 subit une
mutation pour un gène donné. Dans certains cas, la fréquence des mutations
spontanées n’excède pas 1 mutation pour 10 milliards de gènes (produits par
duplication de l’ADN).
Les mutations sont plus fréquentes dans
certaines régions de l’ADN que dans d’autres (ce sont les « points chauds ») ;
le type de mutation peut être, lui aussi, différent. Le taux de mutations, tant
spontanées qu’induites, est régulé, dans les cellules, par un processus de
réparation de l’ADN. Il dépend également de nombreux facteurs physiologiques et
environnementaux. Ainsi, pour une population bactérienne placée dans un milieu
défavorable, on constate que la fréquence des mutations est bien supérieure à
celle observée chez une population se développant dans un milieu optimal.
Les mutations sont comparables à des erreurs de
typographie ou d'enregistrement sur une piste magnétique, qui altèrent le sens
du texte ou du discours, ou qui induisent une signification nouvelle et
inattendue. Il en va de même des mutations. Le plus souvent, les erreurs de
duplication de l’ADN conduisent à des mutations faux sens ou non-sens qui
modifient le sens du message. Lors d’une mutation faux sens, le changement d’une
base nucléotidique au niveau d’un gène entraîne la mise en place d’un mauvais
acide aminé dans la protéine pour laquelle il code, ce qui peut affecter la
forme de cette dernière et la rendre inefficace. Une mutation non-sens conduit à
la fabrication d’une protéine tronquée ne pouvant plus assurer sa fonction (le
changement de base fabrique un « codon stop » sur l’ARN messager, qui signifie
l’arrêt de la traduction de la protéine). Il n'existe aucune corrélation entre
l’étendue du changement sur l’ADN et la gravité d'une mutation pour la cellule.
Ainsi, une seule base modifiée (par exemple sur un gène de régulation modulant
l’activité de nombreux autres gènes) peut aboutir à la mort de la cellule.
Les mutations ne sont toutefois pas toutes
défavorables. Au contraire, la plupart d’entre elles assurent la variabilité
génétique des populations, indispensable aux phénomènes d’adaptation et de
survie d’une espèce lorsque son environnement varie.
Il est aujourd’hui admis que les mutations
jouent un rôle primordial dans l’apparition de nouvelles espèces par le biais de
la sélection naturelle.
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MUTATIONS ET
PATHOLOGIE |
La nature et la localisation d'une mutation
sont les facteurs qui déterminent son rôle pathogène ou non. Une mutation est
pathogène si elle est observée plusieurs fois dans plusieurs groupes de sujets
atteints d'une même maladie génétique et jamais dans les groupes de référence
constitués par des sujets non atteints de cette maladie.
Les mutations responsables de maladies
génétiques (voir anomalies génétiques) peuvent affecter un gène à de
nombreux niveaux de son expression. Le remplacement d'une base de l'ADN par une
autre (substitution) est une conséquence fréquente de mutation spontanée. Dans
certains cas, comme dans celui de l’anémie falciforme, la protéine synthétisée
par le gène porteur de la mutation acquiert une nouvelle propriété, qui est la
cause des troubles observés. Dans le cas de la perte d'un gène dans son
ensemble, on parle de délétion totale ; la fonction de ce gène est alors
absente. Dans presque tous les cas, une même maladie héréditaire peut être liée
à une mutation donnée dans une famille et à une mutation différente dans une
autre famille. C'est le cas notamment de la myopathie de Duchenne.
Les mutations peuvent affecter des cellules
somatiques et ne sont pas alors transmissibles à la descendance. C'est le cas
des mutations qui affectent les gènes impliqués dans la gestion de la croissance
cellulaire (notamment les proto-oncogènes, qui jouent un rôle primordial dans
l’apparition des cancers).
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MISE EN ÉVIDENCE DES MUTATIONS
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Les techniques modernes d'analyse moléculaire
de l'ADN, de l'ARN et des protéines permettent de détecter les mutations et
constituent les outils indispensables d'une meilleure approche des pathologies
génétiques, mais aussi des autres maladies dans lesquelles des remaniements du
génome sont impliqués (comme les cancers). La recherche des mutations, lorsque
ces dernières sont répertoriées pour un gène donné, facilite le dépistage d'une
maladie héréditaire, permet souvent un diagnostic de certitude et facilite le
conseil génétique.
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