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  • LA MATIERE ET L'ESPRIT
    La matière est ce qui est le plus élémentaire, au sens où c'est ce qui existe indépendamment de l'homme, comme ce qui est susceptible de recevoir sa marque, la marque de l'esprit. La définition est ici nominale : est matière ce qui n'est pas esprit, et inversement. Pourtant, matière et esprit sont-ils deux réalités que tout oppose ?

    1. Qu'est-ce que la matière ?

    Couramment, la matière désigne l'inerte, par opposition au vivant : c'est la pierre, le bois, la terre, bref, ce qui est inanimé, c'est-à-dire qui ne possède pas d'âme au sens qu'Aristote donne à ce terme (le principe vital interne à tout être vivant). Pourtant, l'être vivant est lui aussi composé d'une matière : la distinction de départ est donc insuffisante.

    En fait, ce qui caractérise la matière, c'est d'abord un défaut de détermination. La matière est sans forme : ce n'est qu'une fois mise en forme qu'elle est délimitée et déterminée, par exemple, une fois que l'argile a reçu la forme d'une cruche. C'est ainsi qu'Aristote considère toute chose concrète comme un composé de forme et de matière, ou composé

    hylémorphique (de hylé, « matière », et morphè, « forme », en grec). La matière n'est alors ici que le support sans forme propre de déterminations formelles.

    2. Qu'est-ce qui oppose la matière à l'esprit ?

    Si la matière est ce qui manque de détermination, l'homme est par excellence l'être qui va lui donner forme par son travail. Or, ce travail de transformation n'est possible que parce que l'homme, comme le dit Hegel, « est esprit ». Parce qu'il a une conscience, l'homme peut sortir de lui-même et aller vers le monde, pour le ramener à lui et se l'approprier, ne serait-ce que dans la perception.

    Parce qu'il est esprit ou « être pour soi », l'homme est capable de ce double mouvement de sortie hors de soi et de retour à soi, ce qui l'oppose précisément à la matière, ou « être en soi », qui est incapable de sortir hors de ses propres limites.

    3. La matière est-elle ce qui n'a pas de conscience ?

    Pour Hegel, la distinction entre la matière et l'esprit rejoint la distinction entre être conscient de soi et être non conscient de soi : en ce sens, l'esprit désigne tout ce qui porte la marque de l'homme (un produit du travail humain, ou une œuvre d'art) et la matière tout ce qui est étranger à l'homme et n'est qu'un support possible pour ses activités : les choses de la nature, dans la mesure où elles existent indépendamment de toute intervention humaine et n'ont pas encore été transformées, sont matière. La matière est donc ce qui n'a pas de conscience et ce dont l'esprit a conscience.

    4. Matière et esprit s'excluent-ils nécessairement ?

    Telle est la position de René Descartes, qui pose d'emblée l'existence de deux substances distinctes : « la substance pensante » et « la substance étendue », la première caractérisant l'homme en tant qu'il pense et se pense et la seconde caractérisant la matière corporelle, pure étendue géométrique. Pourtant, cette distinction pose problème : comment penser en effet l'union étroite de « la substance pensante » et de « la substance étendue », que tout oppose, c'est-à-dire l'union de l'âme et du corps dans l'être humain ? Si cette union va de soi dans la vie courante (je veux mouvoir ma main, et je la meus), comment l'expliquer sur le plan métaphysique ? Descartes pose l'existence « d'esprits animaux », sortes d'influx nerveux assurant la communication entre l'esprit et le corps ; Spinoza, mais aussi Leibniz et Bergson, montreront que cette solution n'est pas satisfaisante.

    5. Comment penser une participation de la matière à l'esprit et de l'esprit à la matière ?

    Dans son ouvrage Matière et Mémoire, Henri Bergson entend réconcilier ce que Descartes avait opposé et montrer que l'insertion de l'esprit dans la matière est possible, parce que l'esprit et la matière ont au fond le même mode d'être : ils sont deux formes de la durée.

    La matière en elle-même n'est pas, comme le croyait Descartes, l'espace géométrique que nous présente la science, mais un ensemble de vibrations continues, dont les moments se pénètrent sans rupture comme les notes d'une mélodie. Nous n'envisageons la matière comme divisible en objets extérieurs les uns aux autres que pour les besoins de l'action et sous l'influence du langage qui en nommant, crée des distinctions. De même pour l'esprit : il n'est pas en lui-même composé d'états de conscience discontinus et homogènes. Chaque moment de la vie de l'esprit contient tous les autres et n'est que leur développement continu.

    Ce que Bergson nomme « durée » permet donc de penser sous un même concept l'esprit et la matière.

    6. L'esprit se réduit-il à de la matière ?

    La question est encore aujourd'hui vivement débattue. Selon la thèse moniste (du grec monos, « un »), l'esprit n'est qu'une configuration particulière de la matière. Cette thèse est celle de Gilbert Ryle : nous croyons qu'une entité séparée et réelle correspond au mot « esprit », et nous en faisons un « fantôme dans la machine » qu'est le corps. En réalité, « corps » et « esprit » désignent non pas deux ordres, mais deux faces d'une même réalité ; la question est simplement de savoir si l'activité spirituelle se réduit finalement à l'activité physico-chimique du cerveau (thèse réductionniste), ou si le cerveau peut être conçu sur le modèle d'un ordinateur, c'est-à-dire comme un système computationnel de traitement d'informations (thèse fonctionnaliste). On peut cependant objecter que la seule chose qui s'atteste dans les neurosciences, c'est une solidarité entre l'activité cérébrale et la conscience ; cela ne signifie pas que la conscience soit réductible à des états cérébraux (Bergson). La question est surtout morale : faire de l'esprit un processus physico-chimique ou un emboîtement de fonctions, cela ne revient-il pas à mécaniser l'homme, c'est-à-dire à nier la liberté et la dignité humaine ?

    La citation
    Descartes met « d'un côté la matière avec ses modifications dans l'espace, de l'autre des sensations inextensives dans la conscience. De là l'impossibilité de comprendre comment l'esprit agit sur le corps ou le corps sur l'esprit. »

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