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LA LIBERTE
« Être libre, c'est faire ce que je veux » : telle est
notre définition courante de la liberté. Je ne serais donc pas libre lorsqu'on
contraint ma volonté par des règles, des ordres et des lois. Être libre serait
alors la condition naturelle de l'homme, et la société la marque de son
esclavage. Pourtant, cette opinion ne semble pas tenable.
1. Peut-on dire que l'animal est libre ? Si la liberté est l'absence de toute règle et de
toute contrainte, alors l'animal est libre. Mais ce raisonnement n'a
qu'une apparence de vérité : le comportement d'un animal est en fait dicté par
son instinct, de sorte que l'animal ne peut pas s'empêcher d'agir comme il agit.
L'instinct commande, l'animal obéit : loin d'être le modèle de la liberté,
l'animal est l'incarnation d'une totale servitude à la nature. On ne peut parler
de liberté que pour un être qui s'est affranchi du déterminisme naturel.
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2. De quelle manière l'homme conquiert-il la liberté ? Pour être libre, il faut pouvoir choisir de faire ou de
ne pas faire. Seul donc un être qui s'est débarrassé de la tyrannie des
instincts peut remplir les conditions minimales de l'accès à la liberté.
Emmanuel Kant soutient que c'est précisément là le rôle de
l'éducation : elle a pour but premier de discipliner les instincts,
c'est-à-dire de les réduire au silence pour que l'homme ne se contente pas
d'obéir à ce que sa nature commande.
C'est aussi, et plus largement, le rôle de la vie en communauté : la société civile nous libère de la nature en substituant les lois sociales aux lois naturelles. C'est donc la culture au sens large, c'est-à-dire la façon que l'homme a de faire taire la nature en lui, qui nous fait accéder à la liberté. 3. À quelles conditions puis-je être libre ? « Je suis libre quand je fais ce que je veux »...
Certes, mais à quelles conditions suis-je libre de vouloir ce que je veux ? Le
plus souvent, ma volonté est déterminée par ce que je suis : il n'y
aurait aucun sens à vouloir être plus grand si je n'étais pas petit. Ma volonté
n'est alors pas libre ; bien au contraire, elle est déterminée : je ne choisis
pas plus de vouloir être grand que je n'ai choisi d'être petit.
Ma volonté n'est donc libre que quand elle s'est libérée de toutes les déterminations qu'elle a reçues, c'est-à-dire quand elle s'est affranchie de tout ce qui en fait ma volonté. Pour être réellement libre, il faudrait que ma volonté veuille ce que toute volonté peut vouloir, donc que ce qu'elle veuille soit universellement valable. 4. Qu'est-ce qu'une volonté universelle ? Kant affirme que ma volonté est universelle quand elle
veut ce que tout homme ne peut que vouloir : être respecté en tant que
volonté libre. Pour être libre, ma volonté doit respecter la liberté en
moi-même comme en autrui : elle doit observer le commandement suprême de la
moralité qui ordonne de considérer autrui toujours comme une fin en soi,
et jamais comme un moyen de satisfaire mes désirs.
La liberté se conquiert donc en luttant contre les désirs qui réduisent l'homme en esclavage et en obéissant à l'impératif de la moralité. 5. Comment être libre tout en obéissant à une loi ? S'il suffisait d'obéir aux lois pour être libre, alors
les sujets d'une tyrannie connaîtraient la liberté. Pour Jean-Jacques
Rousseau, la seule solution à ce problème à la fois politique et moral,
c'est que je sois aussi l'auteur de la loi à laquelle je me
soumets.
Sur le plan politique, le « contrat social » garantit la liberté des citoyens non en les délivrant de toute loi, mais en faisant d'eux les auteurs de la loi : par le vote, les hommes se donnent à eux-mêmes leurs propres lois, en ayant en vue non leurs intérêts particuliers mais le bien commun. De même, sur le plan moral, Kant, en se référant à Rousseau, montre que la loi de la moralité à laquelle je dois me soumettre (et qui s'exprime sous la forme d'un impératif catégorique) ne m'est pas imposée de l'extérieur, mais vient de ma propre conscience : je suis libre lorsque j'obéis au commandement moral, parce c'est moi-même qui me le prescris. 6. La liberté est-elle l'essence de l'homme ? Dire que la liberté constitue la seule essence de
l'homme, cela revient à dire que l'homme n'a pas de nature, qu'il est ce qu'il a
choisi d'être, même si ce choix n'est pas assumé comme tel voire même implicite
(Sartre).
Pour Martin Heidegger, il faut aller jusqu'à dire que l'essence de l'homme, c'est l'existence : parce qu'il est temporel, l'homme est toujours jeté hors de lui-même vers des possibles parmi lesquels il doit choisir. D'instant en instant, l'homme (qu'il le veuille ou non) est une liberté en acte : j'ai à chaque instant à choisir celui que je serai, même si la plupart du temps je refuse de le faire, par exemple en laissant les autres décider à ma place. Que la liberté soit l'essence de l'homme, cela signifie donc aussi qu'elle est un fardeau écrasant : elle me rend seul responsable de ce que je suis. C'est précisément à cette responsabilité que j'essaye d'échapper en excusant mon comportement et mes choix par un « caractère » ou une « nature » (sur le mode du : « ce n'est pas ma faute : je suis comme cela ! »). À retenir La citation
« L'impulsion du seul appétit est esclavage, et
l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. » (Jean-Jacques
Rousseau)
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