|
L'ETAT
Si « l'homme est le vivant politique », alors ce n'est
qu'au sein d'une cité (polis en grec) qu'il peut réaliser son humanité.
Or l'organisation d'une coexistence harmonieuse entre les hommes ne va pas de
soi : comment concilier les désirs et intérêts divergents de chacun avec le bien
de tous ?
1. Peut-on concevoir une société sans État ? Aristote définit trois ensembles nécessaires : la
famille, le village et la cité. La famille organise la parenté et assure
la filiation ; le village quant à lui pourrait correspondre à ce que nous
nommons la société civile : il assure la prospérité économique et
pourvoit aux besoins des familles par l'organisation du travail et des
échanges.
Enfin, il y a la cité, parce que les seules communautés familiales et économiques ne satisfont pas tous les besoins de l'homme : il lui faut vivre sous une communauté politique, qui a pour fonction d'établir les lois. Selon Aristote, la cité, c'est-à-dire l'organisation politique, est pour l'homme « une seconde nature » : par elle, l'homme quitte la sphère du naturel pour entrer dans un monde proprement humain. |
---|---|
2. D'où vient la nécessité d'opposer société et État ? Si dans la cité grecque, de dimension réduite, chacun
pouvait se sentir lié à tous par des traditions, une religion et des sentiments
communs forts, l'idée d'État moderne distingue la société civile,
association artificielle de membres aux liens plus économiques que sentimentaux,
et l'État, comme puissance publique posant les lois et contrôlant le
corps social.
L'État moderne a fait disparaître l'idée grecque de la
politique comme prolongement de la sociabilité naturelle des hommes.
3. Qu'est-ce qui caractérise la notion d'État ? L'idée moderne d'État pose la séparation entre le cadre
constitutionnel des lois et ceux qui exercent le pouvoir : ceux-ci ne
sont que des ministres, c'est-à-dire des serviteurs, dont le rôle est de faire
appliquer la loi, de maintenir l'ordre social et de garantir les droits des
citoyens dans un cadre qui les dépasse.
L'État se caractérise en effet par sa transcendance (il
est au-dessus et d'un autre ordre que la société) et sa permanence sous
les changements politiques. Expression du cadre commun à la vie de tous les
citoyens, on comprend qu'il doive se doter d'un appareil de contrainte
apte à en assurer le respect.
4. En quoi l'État est-il nécessaire ? Selon Thomas Hobbes, l'homme est guidé par le
désir de pouvoir : sous l'état de nature, chacun désire dominer l'autre. C'est
« la guerre de tous contre tous » qui menace la survie même de l'espèce. Il faut
donc instaurer un pacte par lequel chacun s'engage à se démettre du droit
d'utiliser sa force au profit d'un tiers terme qui ne contracte pas et qui
devient seul à pouvoir légitimement exercer la violence : l'État. L'État serait
donc nécessaire pour assurer la paix sociale : chaque sujet accepte
d'aliéner sa liberté au profit de l'État, si ce dernier peut lui assurer la
sécurité.
Jean-Jacques Rousseau formule deux objections : d'abord, Hobbes suppose une nature humaine alors qu'il n'y a pas d'homme « naturel » ! Ensuite, la question est de savoir s'il est légitime de mettre ainsi en balance la liberté et la sécurité. 5. Toute forme d'État est-elle légitime ? Un État est légitime quand le peuple y est souverain,
c'est-à-dire quand les lois sont l'expression de la « volonté générale ».
Celle-ci n'est pas la volonté de la majorité, mais ce que tout homme doit
vouloir en tant que citoyen ayant en vue le bien de tous, et non en tant
qu'individu n'ayant en vue que son intérêt propre.
La force en effet ne fait pas le droit : les hommes ne peuvent conserver et exercer leur liberté que dans un État fondé sur des lois dont ils sont les coauteurs. Ce n'est qu'à cette condition qu'ils peuvent être libres tout en obéissant aux lois. 6. N'y a t-il pas une fragilité fondamentale de tout État ? L'État, aussi fort soit-il, ne peut échapper à deux
types de menaces fondamentales. Premièrement, ceux qui sont délégués pour
exercer le pouvoir peuvent perdre de vue le bien commun et viser le
pouvoir pour lui-même. Le gouvernement est animé d'une tendance
constitutive à usurper la souveraineté à son profit.
Deuxièmement, les volontés particulières tendent toujours à se faire valoir contre la volonté générale : nous voulons « jouir des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet ». Un État est donc le résultat d'un fragile équilibre qui à tout moment peut se rompre. La société comme somme d'intérêts privés tend toujours à jouer contre lui. À retenir Les citations
« Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa
puissance sous la suprême direction de la volonté générale. » (Jean-Jacques
Rousseau)
« L'impulsion au seul désir est esclavage ; l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. » (Jean-Jacques Rousseau) |