Énoncé et énonciation (2)
Lorsque l'on entre dans une
boulangerie et que l'on demande : « Une baguette, s'il
vous plaît », on produit un énoncé. Cet
énoncé s'inscrit dans une situation particulière
que l'on appelle la situation d'énonciation. Comment
définit-on une situation d'énonciation ? Tous les
énoncés y font-ils référence ?
1. Généralités
1.1. L'énonciation
On appelle énonciation toute action qui consiste
à produire un énoncé, c'est-à-dire un message oral ou écrit, dans une situation
déterminée.
La situation d'énonciation correspond donc aux
circonstances de temps (moment de l'énonciation) et de lieu (lieu de
l'énonciation) dans lesquelles est produit un énoncé. Elle varie selon
l'identité du locuteur (celui qui produit l'énoncé) et de l'interlocuteur (celui
à qui est destiné l'énoncé)
1.2. Les deux grands types d'énoncé
On distingue l'énoncé ancré dans la situation
d'énonciation de l'énoncé coupé de la situation d'énonciation.
Dans l'énoncé ancré dans la situation
d'énonciation, ce qu'exprime le locuteur ne peut être compris que si l'on
est au courant de la situation d'énonciation.
C'est le cas de cet extrait des Lettres de Mme de
Sévigné (1626-1696), adressé à sa fille, Mme de Grignan : « Il est dimanche
26 avril ; cette lettre ne partira que mercredi ; mais ce n'est pas une lettre,
c'est une relation que Moreuil vient de me faire, à votre intention, de ce qui
s'est passé à Chantilly touchant Vatel. »
Dans l'énoncé coupé de la situation
d'énonciation, ce qu'exprime le locuteur peut être compris indépendamment de
la situation d'énonciation.
C'est le cas de cet autre extrait de la même lettre dans
laquelle Mme de Sévigné vient de relater les circonstances du suicide de Vatel,
le cuisinier du Prince de Condé : « Gourville tâcha de réparer la perte de
Vatel ; elle fut réparée ; on dîna très bien, on fit collation, on soupa, on se
promena, on joua, on fut à la chasse ; tout était parfumé de jonquilles, tout
était enchanté. »
2. L'énoncé ancré dans la situation d'énonciation
Cette forme de discours contient des marques de la prise
en charge de l'énoncé par le locuteur ; on les appelle des indices
d'énonciation. Ce sont :
— des pronoms et déterminants des première et
deuxième personnes, qui désignent le locuteur et l'interlocuteur ;
Ex. : « Il est dimanche 26 avril ; cette lettre ne
partira que mercredi ; mais ce n'est pas une lettre, c'est une relation que
Moreuil vient de me faire, à votre intention, de ce qui s'est
passé à Chantilly touchant Vatel. »
— l'emploi du présent comme temps de référence,
mais aussi des autres temps de l'indicatif (par exemple, le passé composé et le
futur pour situer les faits l'un avant le moment de l'énonciation, l'autre,
après le moment de l'énonciation), hormis le passé simple ;
Ex. : « Il est dimanche 26 avril ; cette lettre
ne partira que mercredi ; mais ce n'est pas une lettre,
c'est une relation que Moreuil vient de me faire, à votre
intention, de ce qui s'est passé à Chantilly touchant Vatel.
— des indicateurs de temps et de lieu faisant
référence à la situation d'énonciation, c'est-à-dire au moment et au lieu où le
locuteur prend la parole (maintenant, aujourd'hui, demain, hier, dans trois
jours, il y a trois jours, etc. ; ici, ce lieu-ci, voici,
etc.) ;
— des modalisateurs ; ce sont des termes révélant
la subjectivité du locuteur, c'est-à-dire ses opinions, ses sentiments par
rapport au sujet dont il parle.
Les genres littéraires où domine cette forme de discours
sont ceux dans lesquels l'auteur s'exprime directement : l'autobiographie, la
poésie lyrique, l'essai et la correspondance.
3. L'énoncé coupé de la situation d'énonciation
Cette autre forme de discours contient des marques
spécifiques, qui sont :
— l'emploi privilégié de la troisième
personne ;
Ex. : « Gourville tâcha de réparer la perte de
Vatel ; elle fut réparée ; on dîna très bien, on fit
collation, on soupa, on se promena, on joua, on fut
à la chasse ; tout était parfumé de jonquilles, tout était
enchanté. »
— l'emploi du passé simple, en alternance avec
l'imparfait et le plus-que-parfait de l'indicatif ;
Ex. : « Gourville tâcha de réparer la perte de
Vatel ; elle fut réparée ; on dîna très bien, on fit
collation, on soupa, on se promena, on joua, on fut
à la chasse ; tout était parfumé de jonquilles, tout était
enchanté. »
— des indicateurs de temps et de lieu en relation avec
le moment et le lieu de l'histoire racontée (alors, ce jour-là, le lendemain,
la veille, trois jours plus tard, trois jours plus tôt, etc. ; là, ce
lieu-là, voilà, etc.).
Les genres littéraires où domine cette forme de discours
sont le roman, la nouvelle, le conte, la fable, etc.
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