Un peu d'histoire de la langue française
D'où viennent les mots français ? Du latin ? Du
gaulois ? Du germanique ? Aujourd'hui, les emprunts à l'anglo-américain se
multiplient ; cependant d'autres langues étrangères ont-elles été mises à
contribution au cours de l'histoire du français ?
1. La langue mère : l’indo-européen
Au xixe siècle, cherchant à
établir la généalogie des langues — comme on peut le faire pour une personne, en
remontant le temps jusqu'à son plus lointain ancêtre —, les linguistes firent
une étonnante découverte. En comparant les mots de langues aussi diverses que le
français, le breton, le russe, le suédois, le persan, le bengali, etc., bref de
nombreuses langues parlées en Europe et dans l'Inde du Nord, ils constatèrent
des ressemblances frappantes et en tirèrent la conclusion qu'elles avaient une
origine commune, une « langue mère » qu'ils appelèrent
l'indo-européen.
Voici un exemple particulièrement frappant de cette
parenté :
Français |
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Latin |
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Anglais |
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Allemand |
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Breton |
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Russe |
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Persan |
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Hindi |
mère |
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mater |
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mother |
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mutter |
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mamm |
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mat' |
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madar |
|
mata |
À l'intérieur du vaste ensemble indo-européen, les
langues se sont diversifiées et le français actuel est le produit d'une
longue histoire.
2. L'héritage latin : le fonds primitif
La Gaule, conquise par César, dut renoncer à sa langue
et parler celle de l'occupant. C'est pourquoi peu de mots gaulois nous
ont été transmis. Sont restés, par exemple, quelques noms d'arbres :
chêne, bouleau ; des termes relatifs à l'agriculture : charrue,
sillon, glaner ; des noms d'oiseaux, comme alouette. En tout, à peine
quelques dizaines de mots.
Le latin vulgaire parlé en Gaule est appelé le fonds
primitif : c’est la base du français moderne. La plus grande partie (80 %
environ) de notre vocabulaire vient en effet du latin. C'est pourquoi on dit que
le français est une langue latine, comme l'espagnol, le catalan,
l'italien, le corse, le provençal, le roumain et quelques autres.
3. L'apport germanique
Consécutif aux invasions germaniques du Moyen Âge
(Francs, Burgondes, Wisigoths), l'apport germanique comprend essentiellement des
termes militaires comme guerre, dard, épieu, bannière ; féodaux :
fief, chambellan, échanson ; agricoles : jardin, haie, troupeau,
etc.
4. Les mots « savants »
Ils ont été introduits de façon volontariste, à deux
reprises dans l'histoire du français.
À l'époque de Charlemagne, les « clercs »,
c'est-à-dire les gens lettrés de l'époque, ont décidé d'enrichir la langue en y
introduisant des mots nouveaux, puisés dans les textes latins et transcrits sans
autre changement que celui de la terminaison. Certains mots latins ont pu ainsi
donner naissance à deux mots français, l'un de formation populaire,
l'autre de formation savante ; de tels couples s'appellent des
doublets.
En voici quelques exemples :
Latin |
|
Forme populaire |
|
Forme savante |
integrum |
|
entier |
|
intègre |
fabrica |
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forge |
|
fabrique |
major |
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maire |
|
majeur |
parabola |
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parole |
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parabole |
rigidum |
|
raide |
|
rigide |
À la Renaissance (xvie siècle), beaucoup de
nouveaux emprunts furent faits au latin et au grec ancien. Cette dernière langue
a fourni, au fil des siècles, un nombre considérable de mots dans les domaines
des sciences et des techniques : a/phone, iso/métrie, géo/graphie, géo/logie,
télé/graphe, micro/scope, homo/nyme, hyper/métr/ope, hypo/physe,
hémi/sphère, etc.
5. Les emprunts aux langues modernes
Les Français ont emprunté des mots à toutes les nations
avec lesquelles ils ont eu des contacts, pacifiques ou non. Ainsi des mots de
notre langue viennent :
— de l'arabe : à l'occasion des Croisades (xie-xiiie siècle), le français
s'enrichit de mots comme : algèbre, chiffre, zéro, hasard, gazelle,
etc. ;
— de l'italien : à partir de la Renaissance, de
nombreux emprunts furent faits dans le domaine des arts et de l'architecture
notamment : opéra, tenor, solfège, scénario, fresque, balcon, concerto,
graffiti, etc. ;
— de l'espagnol : orange, chocolat, cigare,
moustique, etc. ; de l'allemand : blocus, bière, choucroute, képi,
ersatz, accordéon, etc. ; du russe : steppe, moujik, oukaz,
etc. ; du néerlandais : babord, matelot, vrac, kermesse,
etc.
— des langues parlées dans les pays colonisés par
la France au xixe siècle ; viennent ainsi
d'Afrique du Nord : satin, noria, charabia, zénith ; de Madagascar :
raphia ; d'Indochine : congaï, nuoc-mâm ; d'Afrique noire :
banane, macaque.
— de l'anglais qui nous a fourni, au xixe siècle, beaucoup de
termes dans les domaines techniques : wagon, tunnel, paquebot, zoom ;
sportifs : football, basket, match, fair-play, dribbler ; mais
aussi dans le domaine de la vie quotidienne : beefsteak, pull-over,
week-end, etc. ;
— de l'anglo-américain auquel nous empruntons
actuellement de très nombreux mots : rock and roll, fast-food, marketing,
tout spécialement dans le domaine des nouvelles technologies. Il
est à remarquer que ces mots ne sont pas
« francisés », c'est-à-dire qu'ils
sont intégrés dans la langue sans modification, ni
orthographique, ni de prononciation.
Notre langue a assimilé aussi, quoiqu'en petit nombre,
des mots hébreux : chérubin, jubiler ; turcs :
tulipe, turban ; persans : bazar, kiosque,
turquoise, talisman ; chinois et japonais, en particulier dans
le domaine des arts martiaux.
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