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Poésies de Rimbaud

Arthur Rimbaud écrit les Poésies entre sa quinzième et sa dix-huitième année. Ce tout jeune poète clame avec violence sa révolte : « l'enfant de colère » s'oppose à la famille, à l'ordre social, à la laideur d'un monde prosaïque. Il exalte l'idéal, le voyage, la liberté du rêve poétique.

Comment les Poésies sont-elles composées ? Quels en sont les principaux thèmes ? Quelles sont les caractéristiques du verbe rimbaldien ?

1. Caractéristiques des Poésies

Les œuvres complètes de Rimbaud comprennent Poésies, Derniers Vers ou Vers Nouveaux, Une saison en enfer et les Illuminations.

Poésies regroupe les premiers poèmes connus de Rimbaud, ceux qu'il a publiés dans des revues ou envoyés à des amis. Y sont inclus les vingt-deux poèmes du Cahier de Douai que Rimbaud avait recopiés pour un ami. « Ma Bohème » termine ce cahier en associant les thèmes de la pauvreté, de la liberté, de l'amour désiré, de la nature fraîche et bien sûr de la poésie.

Rimbaud voyait un grand changement dans sa poésie au moment où il écrivit les vingt et un poèmes suivants, puisqu'il demanda à son ami de détruire les poèmes précédents, ceux du Cahier de Douai. La révolte et le défi de l'adolescent y sont, en effet, plus passionnés encore, et sa poésie devient plus libre : par le rythme, les sonorités et les images, il cherche à créer une poésie de la sensation, associant tous les sens.

2. Les principaux thèmes

2.1. La jeunesse et l'enfance

Le thème de la jeunesse en quête de liberté, d'amour et d'aventure, traverse tout le recueil. Elle rappelle dans chaque poème la présence de Rimbaud lui-même.

« On est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.

— Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,

Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !

— On va sous les tilleuls verts de la promenade. » (« Romance »)

Rimbaud évoque régulièrement les sensations de l'enfance :

« Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,

L'eau verte pénétra ma coque de sapin » (« le Bateau ivre »)

Réservoirs de sensations vives, les enfants représentent aussi la liberté de rêver : cinq petits affamés, assis dans la neige, regardent les pains du boulanger (« Les Effarés »).

L'enfant déjà révolté, autoportrait de Rimbaud, s'échappe dans le rêve :

« Tout le jour, il suait d'obéissance […]

À sept ans, il faisait des romans, sur la vie

Du grand désert, où luit la Liberté ravie » (« Les Poètes de sept ans »)

2.2. La révolte

Presque tous les poèmes expriment une révolte contre la société : contre la misère, contre les rois et les empereurs, contre la religion, contre la guerre.

Le jeune Rimbaud se moque des fonctionnaires et autre gens de bureaux (« les Douaniers », « les Assis » : « ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges »), comme de Napoléon III (« la Rage des Césars » et « l'Éclatante victoire de Sarrebruck »  : l'Empereur « s'en va, raide, sur son dada flamboyant »).

Il s'indigne de la répression sanglante de la Commune de Paris (« Chant de guerre parisien », « les Mains de Jeanne-Marie ») et s'insurge contre la misère du peuple (« le Forgeron », « Morts de Quatre-vingt-douze »).

La religion ne trouve pas grâce à ses yeux, bien au contraire :

« Vraiment, c'est bête, ces églises des villages

Où quinze laids marmots encrassant les piliers

Écoutent, grasseyant les divins babillages » (« les Premières Communions »)

2.3. La réalité sordide

De nombreux poèmes sont pétris d'ironie et de sarcasme. Rimbaud peint la réalité dans sa crudité sordide.

« Puis les rondeurs des reins semblent prendre de l'essor ;

La grasse sous la peau paraît en feuilles plates. » (« Vénus Anadyomène »)

« Oraison du soir », malgré son titre poétique, parle de bière, de rêves comme des « excréments chauds » et de « pisse ». « Accroupissements » décrit un prêtre aux prises avec son pot de chambre, dans son intimité la plus sinistre. Les hommes sont prisonniers de leurs corps et des besoins matériels.

L'écart entre réalité et idéal est sans cesse souligné :

« Vos omoplates se déboîtent,

Ô mes amours !

Une étoile à vos reins qui boitent

Tournez vos tours ! » (« Mes petites amoureuses »)

2.4. Le libre voyage

Le poète aspire à explorer un monde nouveau, merveilleux :

« J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies

Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,

La circulation des sèves inouïes,

Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! » (« le Bateau ivre »)

Ce voyage imaginaire, Rimbaud entend le faire grâce à la poésie :

« Et dès lors je me suis baigné dans le Poème

De la Mer, infusé d'astres, et lactescents » (op. cit.)

2.5. L'amour

De la même façon, Rimbaud peint l'amour sous ses deux facettes :

— l'amour frais et gai d'un jeune homme prenant des baisers à une fille qui rit ;

« Je baisai ses fines chevilles.

Elle eut un doux rire brutal

Qui s'égrenait en claires trilles,

Un joli rire de cristal » (« Première Soirée »)

— mais aussi l'amour triste et décevant (« Mes petites amoureuses ») qui empêche de trouver la femme idéale (« les Sœurs de charité »).

C'est aussi le dialogue de sourds d'un couple, dans « les Réparties de Nina » :

« Lui : — […] Nos grands bois sentiraient la sève,

Et le soleil

Sablerait d'or fin leur grand rêve

Vert et vermeil […]

Elle : — Et mon bureau ? »

3. Les techniques

Chez Rimbaud se dégage peu à peu la volonté de créer un verbe poétique accessible à tous les sens.

3.1. Le rythme

Poésies est un recueil de poèmes en vers rimés. Il est composé de nombreux sonnets (quatorze vers répartis en deux quatrains et deux tercets) et de poèmes longs, dont les vers sont regroupés par quatre (quatrains) le plus souvent. Les vers sont souvent des alexandrins (douze syllabes) ou des octosyllabes (huit syllabes), plus rarement des décasyllabes (dix syllabes) comme dans « Tête de faune ».

Ces poèmes s'appuient donc sur les règles de la poésie classique, souvent pour mieux s'en éloigner : les phrases sont plus longues que les vers ou sont coupées par des tirets, ce qui permet de casser le rythme habituel de l'alexandrin.

« Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie

Banals, sourires verts, les Dames des quartiers

Distingués, — ô Jésus ! — les malades du foie

Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers. » (« les Pauvres à l'église »)

3.2. Les sonorités

Rimbaud joue avec les sons. Il répète voyelles, consonnes ou syllabes :

« Un hydrolat lacrymal lave

Les cieux vert-chou » (« Mes petites amoureuses »)

L'allitération contraint le lecteur à détacher chaque mot des autres.

3.3. Le vocabulaire

Rimbaud associe des mots très différents : des mots rares et savants (céphalagies  ; hypogastre) et des mots vulgaires (pisser), des mots qu'il construit (abracadabrantesques), des mots de la région des Ardennes (foufes, pour gifles) et des mots qu'il invente complètement (bleuisons).

Pour le langage aussi, Rimbaud revendique donc la plus grande liberté :

« Au gouvernail on voit des fresques

Ithyphalliques et pioupiesques.

Ô flots abracadabrantesques » (« le Cœur volé »)

Plus que le sens importe la sensation : Rimbaud ne s'adresse pas en premier lieu à l'intelligence.

4. Qui est Arthur Rimbaud ?

En 1854, Arthur Rimbaud naît à Charleville, dans les Ardennes. Très brillant dans la composition de vers latins, il reçoit un premier prix au concours académique ; il écrit en 1869 ses premiers vers connus, publiés l'année suivante. Il envoie ses poèmes à Verlaine, qui l'accueille à Paris.

En 1880, après des années de voyages (d'Allemagne en Italie, d'Afrique à Chypre), Rimbaud s'installe au Yémen, à Aden, où il travaille pour un marchand de café et convoie des armes à travers le désert. La poésie ? « Je ne pense plus à ça. »

Il meurt en 1891, à Marseille. L'année suivante, ses Poésies sont publiées.
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