Les genres autobiographiques
Autobiographie, journal intime, mémoires,
correspondance… autant de façons différentes de raconter sa vie. Plus que tout
autre, le récit autobiographique entretient un rapport complexe avec la
réalité : l'auteur relate des faits qu'il a vécus mais avec un regard
rétrospectif.
Quels sont les différents genres autobiographiques ?
Quelles sont les caractéristiques de chacun ?
1. Le récit d'une vie
1.1. La biographie
Du grec bios (« vie ») et graphein
(« écrire »), la biographie fait le récit d'une vie, généralement celle
d'un personnage important. Elle est écrite à la troisième personne par un
écrivain, un historien ou un journaliste.
Lorsqu'elle repose sur des documents ou des témoignages
nombreux, des informations recoupées, on parle de biographie savante. Certains
auteurs s'attachent davantage à rendre l'atmosphère de l'époque, la psychologie
des personnages et produisent une biographie romancée.
1.2. Les mémoires
Une personne qui a joué un rôle important dans des
événements historiques, comme témoin ou comme acteur, peut être amenée à
écrire ses mémoires, pour témoigner ou justifier ses actes.
Dans la Guerre des Gaules, l'empereur César fait
le récit de ses conquêtes, à la troisième personne. Charles de Gaulle utilise le
même procédé dans ses Mémoires de guerre. L'auteur raconte et
explique le déroulement des événements en faisant part de sa vision personnelle
des faits. Le « je » des mémoires est souvent moins central et moins
intime que celui de l'autobiographie
Dans les Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand,
est à la fois témoin (de la Révolution, du Premier Empire et de la Restauration)
et acteur : il s'exile en Amérique puis s'oppose à Napoléon Ier. On
peut observer qu'il transforme parfois les faits, les réinterprétant à son
avantage.
2. L'autobiographie
2.1. Le projet autobiographique
Profondément personnel, chaque projet autobiographique
reste unique. Toutefois, les auteurs déclarent toujours, d'une façon ou d'une
autre, leur volonté ou leur espoir de restituer leur vie dans toute sa
vérité : la sincérité justifie l'entreprise.
Jean Jacques Rousseau écrit les Confessions
(1782) pour « montrer à (ses) semblables un homme dans toute la vérité de la
nature ». Alfred de Musset écrit les Confessions d'un enfant du siècle,
pour témoigner sur sa génération : « Un sentiment de malaise inexprimable
commença donc à fermenter dans tous les jeunes cœurs. »
Jean-Paul Sartre, dans les Mots, cherche à
comprendre comment l'homme qu'il est devenu s'est construit dans l'enfance :
« Usés, effacés, humiliés, rencoignés, passés sous silence, tous les traits de
l'enfant sont restés chez le quinquagénaire ».
2.2. L'écriture autobiographique
L'autobiographie s'écrit en général à la première
personne. L'auteur, le narrateur et le personnage principal sont en principe
confondus. Le « moi » domine : les événements sont vus à travers lui.
Cependant, il se dédouble en quelque sorte, puisqu'il
part à la recherche de son « moi » passé. Il peut l'évoquer avec nostalgie, ou,
comme le fait Jean-Paul Sartre, sans indulgence : « seul au milieu des adultes,
j'étais un adulte en miniature, et j'avais des lectures adultes ; cela sonne
faux, déjà, puisque, dans le même instant, je demeurais un enfant ». (Jean-Paul
Sartre, les Mots)
Le récit autobiographique suit généralement l'ordre
chronologique. Ainsi commencent les Confessions de Jean-Jacques
Rousseau : « Je suis né à Genève en 1712, d'Isaac Rousseau, citoyen, et de
Suzanne Bernard, citoyenne ». L'auteur s'efforce de reconstituer son passé,
l'itinéraire de sa vie, ses expériences, les influences qu'il a subies et, ce
faisant, construit une image de sa personnalité. L'autobiographie peut néanmoins
faire des ellipses, privilégier certaines périodes de la vie (notamment
l'enfance, comme dans Ma vie d'enfant de Maxime Gorki, l'Enfant
noir de Carmara Laye, la Gloire de mon père de Marcel Pagnol,
etc.)
L'autobiographie peut mettre en œuvre tous les types
de discours : narratif, descriptif, argumentatif (notamment quand l'auteur
veut convaincre le lecteur de sa bonne foi ou de son innocence).
L'autobiographie établit un rapport particulier avec
le lecteur, qui reçoit les confidences parfois très intimes de l'auteur,
devient son témoin, son complice, mais aussi éventuellement son juge.
2.3. Le roman autobiographique
Retranscrire fidèlement le passé est difficile, sinon
impossible. L'auteur peut n'être pas satisfait de ce qu'il a fait ou vécu, rêver
d'avoir fait d'autres expériences, ou vouloir donner de lui-même une image
différente. Il transforme alors le passé, la fiction se mêle à la
réalité, l'autobiographie devient roman.
Les historiens ont alors bien du mal à dégager la vérité
de la fiction : dans l'Enfant, le Bachelier et l'Insurgé,
Jules Vallès retrace sa vie. Pourtant, il n'écrit pas en son nom propre : le
narrateur s'appelle Jacques Vingtras et son enfance est sans doute plus noire
que ne le fut celle de Vallès.
Le Petit Chose d'Alphonse Daudet, Poil de
carotte de Jules Renard, Vipère au poing d'Hervé Bazin ou la
Vie d'Henri Brulard de Stendhal sont également des romans
autobiographiques, qui posent des problèmes du même ordre.
3. Le journal intime
Le journal, en principe, est secret. Il n'a pas
d'autre destinataire que l'auteur lui-même. Celui-ci ne l'écrit pas pour plaire,
ni pour se valoriser soi-même. Il peut donc se permettre une totale sincérité.
Aucune structure ne lui est imposée. L'écriture est libre.
Le journal est parfois rédigé en style
télégraphique : « Pluie battante ce
matin ; réinvasion des idées grises. »
(André Gide, Journal, 1er
mars 1912)
Il est généralement écrit au jour le jour, à la
première personne et daté. L'auteur y exprime ses émotions et ses
sentiments, prend du recul par rapport aux événements qu'il vit, aux personnes
qu'il a rencontrées, à ses lectures. « C'est une erreur de prétendre n'écrire
que du très important, dans un Journal. Là n'est pas sa raison d'être. » (André
Gide, Journal, 11 août 1927)
Bien que confidentiels, les journaux sont souvent
publiés, généralement après la mort de leurs auteurs. Choses vues
rassemble ainsi des carnets, des souvenirs, des fragments, que Victor Hugo n'a
pas eu le temps de retravailler.
Certains auteurs publient leur journal eux-mêmes, comme
André Gide ou les Goncourt. Après la mort de son frère, Edmond Goncourt continua
seul le Journal et en publia des extraits (il ne fut cependant publié
intégralement qu'en 1956).
4. La correspondance
Une correspondance suivie relève de
l'autobiographie : l'auteur confie son histoire et ses pensées au destinataire.
C'est le cas de correspondances célèbres, comme celles de Madame de Sévigné, de
Gustave Flaubert ou de George Sand.
D'autres, en revanche, se donnent pour
autobiographiques, alors qu'elles ne sont que pures fictions : c'est le
cas des Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet et surtout des
Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.
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