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La poésie engagée
Le poète n'utilise pas le langage comme un instrument, de façon utilitaire. Pourtant, les circonstances peuvent l'amener à s'engager, à prendre position dans les drames de son temps et à mettre son art au service d'une cause.

Quels sont les principaux thèmes de la poésie engagée ?

1. L'engagement en poésie

1.1. Qu'est-ce que s'engager ?

S'engager, c'est participer activement à la défense d'une cause et se mettre au service de la collectivité, quels qu'en soient les risques. Lorsqu'un poète s'engage, il peut le faire, comme tout citoyen, en militant dans un parti ou une association, tout en menant par ailleurs et indépendamment son œuvre personnelle.

Mais il peut aussi exprimer sa pensée à travers cette œuvre, pour éclairer les autres et les inciter à l'action. De nombreux poètes ont pratiqué ce double engagement : Victor Hugo, par exemple, s'oppose au coup d'état du 2 décembre 1851 ; il est exilé par Napoléon III et écrit contre lui les Châtiments (1853).

1.2. Des circonstances dramatiques

L'engagement en littérature est généralement provoqué par des guerres civiles ou nationales, des révolutions ou des crises.

Au xvie siècle, pendant les guerres de religion, Ronsard s'engage aux côtés des catholiques, Agrippa d'Aubigné aux côtés des Huguenots. Au xviiie siècle, pendant la Terreur, André Chénier se dresse contre l'injustice et les bourreaux (il est pour cela guillotiné).


Au xixe siècle, Victor Hugo prend parti contre Napoléon III puis contre les horreurs commises pendant la Commune.

Au xxe siècle, en France, pendant la Seconde Guerre mondiale, des poètes se sont engagés dans la résistance comme René Char ou Louis Aragon. Certains, comme Robert Desnos, y ont laissé leur vie.

1.3. L'universalité

La poésie engagée permet de partager des convictions, de susciter chez le lecteur le désir de s'engager à son tour, grâce à la force du message, mais aussi de ses images, du rythme et de la musicalité des vers. Car elle n'est véritablement poésie que lorsqu'elle continue à émouvoir au-delà des circonstances historiques qui l'ont fait naître.

2. Les différentes formes

2.1. La chanson populaire

Ses paroles, et surtout ses refrains, se retiennent et se diffusent facilement. Les chansons de guerre ou de lutte ont existé à toutes les époques. Certaines, à la gloire de la victoire ou de la liberté, sont parfois devenues des hymnes nationaux, comme la Marseillaise de Rouget de L'Isle. Le Temps des cerises, de Jean-Baptiste Clément (1866), est devenu le symbole des morts de la Commune. Le Chant des Partisans, chant des résistants français, de Joseph Kessel et Maurice Druon, tire sa force de ses paroles entraînantes et du caractère répétitif de sa mélodie.

2.2. L'épopée

Les procédés de l'épopée, en particulier l'amplification des faits, le caractère héroïque des personnages, l'intervention du merveilleux, favorisent l'exaltation des bons et la dénonciation des méchants.

Agrippa d'Aubigné, dans les Tragiques (1577-1590), utilise ces procédés pour accuser les responsables des persécutions contre les protestants :

« Cependant que les Rois, parés de leur substance,

En pompes et festins trompaient leur conscience
Étoffaient leur grandeur des ruines d'autrui,

Gras du suc innocent, s'égayant de l'ennui […]. »

De même, Victor Hugo, dans les Châtiments, s'en prend avec une très grande violence à Napoléon III. Rappelant l'épopée des soldats de l'an II, il brave le nouvel empereur :

« J'écraserai du pied l'antre et la bête fauve,

L'empire et l'empereur ! »

2.3. La poésie moderne

Les crises profondes que connaît le xxe siècle conduisent les poètes à s'engager : Paul Claudel ou Charles Péguy, à droite, André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon du côté des communistes.

Ces poètes créent leurs propres formes ; ils utilisent en particulier les reprises d'expressions et de structures syntaxiques, qui produisent un effet incantatoire propre à persuader et à émouvoir.

C'est le cas du poème de Paul Éluard, « Liberté » (dans Poésie et vérité) :

« Sur mes cahiers d'écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable et la neige

J'écris ton nom

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sans papier ou cendre

J'écris ton nom »

3. Les thèmes

À travers l'histoire et la diversité des circonstances, les mêmes thèmes reviennent.

3.1. Les horreurs de la guerre

De nombreux poèmes dénoncent les violences et les massacres des guerres.

« Là de mille maisons on ne trouva que feux,

Que charognes, que morts, ou visages affreux ».

(Agrippa d'Aubigné, les Tragiques)

« O (guerre) buveuse de sang, qui farouche, flétrie,

Hideuse, entraînes l'homme en cette ivrognerie […]

À quoi sers-tu, géante, à quoi sers-tu, fumée,

Si tes écroulements reconstruisent le mal,

Si pour le bestial tu chasses l'animal,

Si tu ne sais, dans l'ombre où ton hasard se vautre,

Défaire un empereur pour en faire un autre ? »

(Victor Hugo, l'Année terrible)

3.2. La souffrance

La souffrance des innocents et des humbles est évoquée partout, dans les poèmes de Ronsard, dans ceux de d'Aubigné, mais également dans les descriptions que Victor Hugo fait de la Commune :

« Elles acceptent tout, les femmes de Paris,

Leur âtre éteint, leurs pieds par le verglas meurtris,

Au seuil noir des bouchers les attentes nocturnes… » (Victor Hugo, op. cit.)

3.3. La haine et la révolte contre les tyrans

Dans les chansons populaires, la souffrance, qu'elle soit due à la guerre ou à la misère, engendre la révolte, comme dans la Chanson de Craonne (1914, anonyme) ou dans la Chanson des canuts d'Aristide Bruant :

« Mais notre règne arrivera

Quand votre règne finira,

Nous tisserons le linceul du vieux monde

Car l'on entend déjà la révolte qui gronde. »

Les tyrans changent de nom : Catherine de Médicis pour d'Aubigné, les Jacobins pour Chénier, Napoléon III, puis la Prusse, pour Hugo, l'Occupant allemand, pour Éluard ou Aragon, mais leurs méthodes restent semblables : le poète les compare à des animaux repoussants ou féroces : des loups (d'Aubigné), des « vers cadavéreux » (André Chénier), une tigresse (Victor Hugo).

Souvent, ces poèmes appellent à la vengeance. Ainsi, « le Manteau impérial » (dans les Châtiments) s'achève par une invective :

« Acharnez-vous sur lui, farouches,

Et qu'il soit chassé par les mouches

Puisque les hommes en ont peur ! »

4. Les mots de l'engagement

Le poète compatit aux souffrances et parle souvent au nom de tous. Il dit nous : « Nous sommes sans soleil, sans appui, sans effroi », écrit Victor Hugo dans l'Année terrible.

Le poète devient porte-parole : « La France à jointes mains vous en prie et reprie », supplie Ronsard (Discours des misères de ce temps).

Très souvent, il exhorte à l'action, invite à partager la douleur ou l'espoir, en utilisant des impératifs : « Prenez le gouvernail de ce noble navire » (Ronsard, op. cit.) ; « Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté vous écoute » (le Chant des Partisans).

Les plaintes, les cris et les colères s'élèvent au nom du respect de la vie, de la liberté, de la justice. Ces valeurs deviennent souvent des allégories. On s'adresse à la Vertu (Chénier), à la France (« Je te salue, ma France… », Aragon), à la liberté (Éluard). Chez Victor Hugo, le ton devient prophétique, « Stella » annonçant le règne de la pensée :

« Car celui qui m'envoie en avant la première,

C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière ! » (« Stella », dans les Châtiments)

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