Champ sémantique et champ lexical
Quand on parle d'un corps lumineux, l'adjectif
lumineux n'a pas le même sens que dans l'expression un raisonnement
lumineux. Les différents sens du mot lumineux forment son champ
sémantique.
Des mots comme lumière, illuminer mais aussi
étincelant, briller, luire, etc. se rapportent, comme lumineux, au
thème de la lumière ; on dit qu'ils forment le champ lexical de la
lumière.
1. Le champ sémantique
Revenons à l'adjectif lumineux. Dans l'article du
Petit Robert consacré à cet adjectif sont distingués quatre sens
principaux :
1. Qui émet ou réfléchit la lumière (un corps lumineux,
le cadran lumineux d'une montre).
2. Par ext. Radieux (un visage lumineux).
3. De la nature de la lumière (des ondes
lumineuses).
4. Fig. Qui a beaucoup de clarté, de lucidité
(un raisonnement lumineux).
Ces quatre sens forment le champ sémantique de
lumineux. Les sens 1 et 3 sont des sens propres par opposition aux
sens 2 et 4 qui sont des sens figurés (sens dérivés, plus imagés).
Selon le contexte, l'adjectif polysémique
lumineux prend donc l'un ou l'autre sens.
Prenons pour exemple ces vers de Baudelaire :
« Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige ! » (« Harmonie
du soir », les Fleurs du mal)
Dans ce contexte, l'adjectif lumineux a le sens 2
(sens figuré) ; il s'agit du passé illuminé par la présence de la femme
aimée.
2. Le champ lexical
Le champ lexical désigne l'ensemble des mots relatifs
à une même idée ou à un même thème.
Il peut se composer :
— des mots de la même famille, c'est-à-dire
formés à partir d'un même radical : par exemple, pour le champ lexical de la
lumière, lumineux, illuminer, luminosité, luire, etc. ;
— de synonymes : étincelant, brillant, éclatant,
radieux ;
— d'autres mots encore qui ont un rapport étroit avec
le thème : éblouir, soleil, rayon, etc.
Plusieurs champs lexicaux peuvent coexister dans
un texte et leur étude est souvent très significative.
Observons les deux dernières strophes du poème de
Baudelaire « Harmonie du soir » :
« Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand
reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ! »
On peut relever dans ces vers plusieurs mots appartenant
au champ lexical de la mort : afflige, néant, noir, triste, s'est
noyé, sang. On y trouve également des mots relevant du champ lexical de
la lumière : lumineux, soleil, luit. D'autres mots, enfin, ont un
sens religieux : reposoir, ostensoir. L'étude des champs lexicaux dans
ces deux vers permet de comprendre que, le soir venu, l'âme du poète est menacée
par le désespoir et que seul le souvenir lumineux et quasiment mystique de la
femme aimée lui permet de retrouver une certaine harmonie.
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