Le romantisme
Au sens littéraire du terme, le romantisme est une
véritable révolution culturelle qui naît en Angleterre et en Allemagne à la fin
du xviiie siècle, en
réaction contre l'idéal classique et le rationalisme français. Le mouvement est
une contestation globale, qui touche tous les domaines de l'art et de la
pensée.
1. Qui sont les précurseurs du romantisme ? Quels
thèmes développent-ils ?
Les manifestations de la sensibilité ne sont bien sûr
pas l'apanage d'une époque en particulier. Les trente dernières années du xviiie siècle sont cependant
marquées par quelques phénomènes majeurs qui se situent à l'aube du romantisme.
Ainsi, Jean-Jacques Rousseau se démarque-t-il sensiblement du mouvement
des Lumières dont il est pourtant contemporain. Dans la dernière partie de sa
vie, il se consacre essentiellement à une œuvre autobiographique au centre de
laquelle il place le « moi », comme jamais on ne l'avait fait auparavant.
« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'imitation n'aura
point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la
vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi. » (Rousseau, les
Confessions)
De même, il célèbre la solitude de l'âme et offre
une vision de la nature qui annonce les grands textes romantiques. « Les
rives du lac de Bienne sont plus sauvages et romantiques que celles du lac de
Genève, parce que les rochers et les bois y bordent l'eau de plus près [...] il
y a aussi plus de verdure naturelle, plus de prairies, d'asiles ombragés de
bocages, des contrastes plus fréquents et des accidents plus rapprochés. » ,
écrit-il dans les Rêveries du promeneur solitaire. Les prémices du
romantisme apparaissent dans cette exaltation d'une nature sauvage, proche des
origines, où la présence humaine est à peine perceptible
Associé à celui de la nature consolatrice, le thème de
l'amour malheureux se développe également avec force, par exemple dans
la nouvelle Héloïse (Rousseau, toujours) ou, à la même époque, dans
les Souffrances du jeune Werther (Goethe).
2. Qu'appelle-t-on le « mal du siècle » ?
Lorsque paraît, en 1802, René, roman
autobiographique de Chateaubriand, le malaise de la génération romantique
apparaît en pleine lumière. S'y révèlent en effet l'affirmation absolue du
« moi » et le constat amer d'une incompatibilité avec les exigences du
monde et de la société. Le « mal du siècle » est cette prise de conscience
d'une inadaptation fondamentale de l'être sensible à son environnement
social.
Dans un premier temps, les écrivains romantiques
expriment donc un certain désenchantement : le monde est mauvais, la
société corrompue, et toute tentative d'y remédier est vaine. Ainsi,
Lorenzaccio, le héros de Musset dans la pièce éponyme (1834), s'engage pour
sauver la cité de Florence de la tyrannie d'Alexandre de Médicis. Mais plus le
temps passe, moins il perçoit le sens de sa mission. Il exécute le duc sans
véritable espoir ni conviction, et un autre Médicis succède immédiatement au
tyran. Ce scénario illustre bien l'esprit qui anime alors le romantisme :
exaltation du « moi », volonté d'agir seul, même de manière désespérée,
mais aussi intelligence vive qui abolit les illusions. Cet état d'âme
particulier est souvent représenté par la caricature du héros romantique appuyé
à une pierre tombale, dans un cimetière, sous la Lune.
3. Quelles sont les aspirations politiques et sociales
des écrivains romantiques ?
À l'universalisme de la raison (tant valorisée par le
siècle des Lumières), les romantiques préfèrent le retour aux sources
nationales. Ils ont ainsi contribué à initier les soulèvements de peuples
opprimés (par exemple, les Grecs contre les Turcs qui occupent le pays, ou
encore le peuple polonais contre l'occupant russe). De même, au culte de
l'Antiquité gréco-romaine, très en vogue dans les milieux révolutionnaires et
impériaux, le romantisme oppose un retour au Moyen Âge et à ses mystères, ainsi
qu'aux traditions chrétiennes. Si l'Europe des Lumières cultivait des
valeurs universelles, comme la notion de « droits de l'homme », l'Europe
romantique, elle, cherche à retrouver les racines des différents peuples qui la
composent.
Sur le plan social, le romantisme est également
militant. Lorsque Victor Hugo écrit « Les poètes sont les éducateurs du peuple »
(William Shakespeare), il prend clairement position : le seul privilège
de l'artiste est de posséder un moyen d'expression, qu'il doit mettre au
service du peuple. Les injustices politiques et sociales deviennent la cible
de nombreux écrivains romantiques qui entrent en politique pour faire
entendre leurs idées. Lamartine, par exemple, est candidat à la présidence de la
République (1848) ; Hugo manifeste une violente hostilité à l'égard de
Napoléon III, ce qui lui vaut dix-neuf années d'exil.
4. En quoi la liberté est-elle une valeur profonde du
romantisme ?
La somme de tout ce que les romantiques ont réalisé, en
France et en Europe, tant sur le plan littéraire que sur le plan politique, peut
être résumée en un mot : liberté. Le romantisme est en effet l'emblème de cette
jeunesse née au début du siècle et frustrée des espoirs suscités par la grande
épopée révolutionnaire et napoléonienne. Aussi, ce mouvement européen, au départ
anti-français et anti-révolutionnaire, vire-t-il, en France, du monarchisme des
débuts, au combat violent pour la liberté.
- Liberté politique, d'abord : même conservateurs (comme
Chateaubriand), les romantiques animent la lutte contre la censure et
participent à la victoire des Trois Glorieuses contre le régime de Charles X.
- Liberté morale, ensuite : ils tirent un pied de nez à l'ordre
bourgeois.
- Liberté artistique, enfin : Hugo « tord le cou à ce grand niais
d'alexandrin » et crée le drame romantique, tandis que Musset (au théâtre),
Lamartine (en poésie), Chopin (en musique) font entendre leurs voix singulières.
Pour cette génération et pour celles qui suivent, le
romantisme incarne donc ces valeurs de révolte individuelle et de
passion pour la liberté, proclamées par Hugo dans la préface de
Hernani : « Jeunes gens, ayons bon courage ! Si dur qu'on veuille nous
faire le présent, l'avenir sera beau. »
5. Quelles sont les formes littéraires privilégiées du
romantisme ?
Sur le plan littéraire, les romantiques ont pratiqué
toutes les formes d'expression, mais en les adaptant à leurs aspirations.
La poésie de Hugo bouscule l'alexandrin et se permet des césures inouïes ; au
théâtre, le drame (Hernani, Ruy Blas) donne lieu à de véritables
batailles entre partisans et adversaires du romantisme.
S'il fallait, en dernière analyse, dégager les deux
genres majeurs dans lesquels le romantisme a triomphé, ce serait sans doute la
poésie lyrique (Lamartine, Musset) et le drame (Hugo).
6. En quoi la figure de Victor Hugo est-elle
emblématique du romantisme ?
Victor Hugo (1802-1885) est peut-être l'auteur qui
caractérise le mieux l’homme et l’écrivain romantique. Chaque étape de sa
biographie est marquée par son engagement, son enthousiasme violent pour
des idées littéraires, politiques et sociales neuves. Très jeune, il se lance
dans la bataille pour un nouveau théâtre, avec Hernani (1830) et
Ruy Blas. Il inaugure le drame romantique, véritable machine de guerre
contre la tragédie classique qu'il veut détrôner. Le drame romantique se pose
comme un théâtre total opérant le mélange des genres et offrant le spectacle à
la fois sublime et grotesque de la réalité humaine, concentrée dans l'histoire
d'un destin brisé.
Hugo se lance avec la même fougue dans l'action
politique : il devient pair de France en 1845, prononce des discours
importants en faveur de la liberté de la Pologne, se bat contre la peine de mort
et les injustices sociales, se déchaîne contre Napoléon III. Ses choix
politiques le contraignent à l'exil dans les îles anglo-normandes (Jersey puis
Guernesey) pendant dix-neuf ans. Son retour en France est profondément marqué
par les horreurs de la Commune (l'Année terrible, 1872) ; sénateur à
partir de 1876, il devient une figure emblématique de la gauche
républicaine.
Son œuvre littéraire exploite tous les genres et tous
les registres : auteur de grands romans comme Notre-Dame de
Paris ou les Misérables, il est également poète (les
Contemplations, les Châtiments) et dramaturge (Hernani, Ruy
Blas). Il rédige même une épopée de l'histoire de l'humanité, la Légende
des siècles.
La citation
Le romantisme « n'est autre chose que le courant de la
révolution dans les idées. » (Hugo)
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