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Le discours délibératif
Le discours délibératif est l'un des trois genres répertoriés de la rhétorique ancienne. Défini dès l'Antiquité par Aristote, il s'oppose aux discours épidictique (qui fait l'éloge ou le blâme) et judiciaire (qui accuse ou défend). Quels sont les procédés du discours délibératif ? Sous quelles formes littéraires apparaît-il ?

1. Quelles sont les modalités du discours délibératif ?

Le discours délibératif présente, de manière logique et structurée, les différentes thèses et les différents arguments qui s'opposent dans un débat, le plus souvent politique : l'objectif du locuteur est d'imposer un point de vue en tentant d'influencer l'interlocuteur et d'orienter sa décision. Il s'agit de balayer l'ensemble des solutions possibles pour, en dernière analyse, n'en garder qu'une seule.

2. En quoi le dialogue est-il une forme privilégiée du discours délibératif ?

La forme la plus adaptée à la délibération est le dialogue, qui oppose plusieurs énonciateurs. Chaque voix représente et défend une position. Les arguments, ainsi incarnés en un personnage, sont alors rapportés à une vision du monde très singulière et peuvent être illustrés par des exemples tirés de l'expérience du locuteur. Le recours au dialogue fictif permet d'ancrer la délibération dans la vie des personnages et donc de faciliter, chez le lecteur, à la fois la compréhension et une certaine forme d'identification. On quitte alors le domaine purement intellectuel de la confrontation intérieure des idées.

Le siècle des Lumières a largement utilisé la forme dialoguée pour donner à la réflexion philosophique un aspect plus attrayant et plus vivant. Dans le Neveu de Rameau, Diderot propose ainsi une vaste réflexion artistique à travers le dialogue de deux personnages.

3. Quelles sont les spécificités du discours délibératif au théâtre ?

Porter le discours délibératif au théâtre permet de donner une représentation à la fois auditive et visuelle du débat d'idées. La délibération ne prend pas toujours la forme d'un dialogue : bien souvent, elle apparaît, à un moment critique de l'intrigue, dans un monologue. En général, le personnage doit faire le point sur un problème, avant de prendre une décision : il exprime alors le conflit intérieur qui l'anime, à l'attention du spectateur et des autres personnages.

Le discours délibératif au théâtre tire sa force et son impact de cette double énonciation qui permet au spectateur de se sentir à la fois impliqué dans la délibération et suffisamment en retrait pour pouvoir être juge de la décision finale.

4. En quoi la délibération peut-elle être un moteur de l'action ?

Dans une pièce de théâtre ou un texte narratif, la délibération précède souvent l'action : il s'agit alors pour un personnage en situation de dilemme de mesurer les conséquences de telle ou telle décision : il oppose pour lui-même et pour le spectateur les arguments (« pour » et « contre ») qui se présentent à son esprit et s'efforce de trancher.

Pour l'auteur comme pour le lecteur, la délibération est le moment où apparaissent les différentes possibilités dramatiques : l'intrigue se « fabrique » en quelque sorte sous les yeux du lecteur, puisque la suite de l'action dépend de la décision du personnage. C'est le cas dans cet extrait du Cid de Corneille, où Rodrigue est en proie à un cruel dilemme : doit-il venger son père au risque de perdre Chimène ?

« Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse ;
L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l'étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ? »


Cependant, l'auteur peut jouer avec le lecteur et mener l'intrigue vers un tout autre dénouement que celui qui semblait prévu.

5. En quoi le discours délibératif relève-t-il d'une rhétorique de la persuasion ?

La nécessité de délibérer suppose que la thèse en question ou le choix à faire ne présente pas, au départ, un caractère d'évidence. Le discours délibératif obéit donc à un mouvement qui part d'une situation de doute pour tenter d'arriver à une certitude, une conviction. Les arguments sont développés par ordre d'importance, et chacun appelle immédiatement son contraire ; la délibération progresse ainsi par réfutations successives.

Chacun des arguments doit être exposé avec la plus grande force de conviction, afin d'emporter l'adhésion du lecteur, de le persuader. De ce fait, les procédés rhétoriques utilisés sont assez proches de ceux de l'argumentation : prise à partie du destinataire (à la 2e personne), envolées lyriques, exclamations, exemples qui font autorité, rythme soutenu, etc. Le discours délibératif tire sa force de cette apparente contradiction : développant et prenant en compte des thèses opposées, il semble être le genre même de la mesure et de l'impartialité ; toutefois, la nécessité d'aboutir à une décision et donc de défendre une thèse en particulier, impose l'usage d'une rhétorique de la persuasion qui vise l'adhésion immédiate et joue sur les sentiments, les émotions. Sous des dehors respectueux de toutes les opinions, le discours délibératif ne serait-il pas le genre le plus apte à manipuler le lecteur dans un sens prévu par l'auteur ?

La citation

«  Je dois tout à mon père avant qu'à ma maîtresse.
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reçu.
Je m'accuse déjà de trop de négligence :
Courons à la vengeance ;
Et tout honteux d'avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé,
Si l'offenseur est père de Chimène. »
(CORNEILLE, Le Cid)


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