Le biographique
Le genre biographique regroupe les œuvres qui se donnent
pour objectif de raconter la vie d'une personne. Quand l'auteur fait le récit de
sa propre vie, on parle d'autobiographie. Quelles sont les caractéristiques de
ce genre ? Quels sont ses enjeux ?
1. Qu'est-ce qu'une biographie ?
La biographie est un genre littéraire très
ancien : les premiers récits de vie datent de l'Antiquité ; ainsi, les
Vies parallèles de Plutarque ou les Vie des douze Césars de
Suétone retracent le parcours de grands hommes politiques ou de philosophes. De
même, au Moyen Âge, période de grande ferveur religieuse, les vies de saints se
multiplient (hagiographies), avec notamment la Légende dorée de
Jacques de Voragine. Au cours des siècles, de nombreux écrivains se lancent
ainsi dans le récit de la vie de personnages illustres, comme en
témoignent par exemple la Vie de Rancé de René de Chateaubriand (1844),
et jusqu’aux biographies de stars, d'hommes politiques ou d'écrivains qui
fleurissent depuis la seconde moitié du xxe siècle.
Le biographe s'appuie sur des documents
historiques, des témoignages patiemment récoltés, des lettres ou des
journaux intimes. À partir de ces sources d'information, il peut choisir de
construire deux sortes de biographie :
- une biographie savante : l'auteur montre un grand souci d'exactitude
et d'objectivité scientifique ; il cite ses sources à titre de preuves et ne
raconte rien dont il ne soit certain ;
- une biographie romancée : l'auteur cherche avant tout à distraire son
lecteur ; il privilégie l'unité et la cohérence de son récit plutôt que la
parfaite véracité historique ; il met en valeur les épisodes les plus
« romanesques » de la vie du personnage.
2. Quelles sont les différentes formes de l'écriture
autobiographique ?
À l'instar de Montaigne, qui, dès le xvie siècle, annonce à propos
des ses Essais : « je suis moi-même la matière de mon livre », le siècle
des Lumières puis le mouvement romantique, bien qu’ayant des approches
différentes, font du « moi » et de l'individu une thématique littéraire
privilégiée. Une nouvelle tendance du récit biographique se dessine alors, celle
qui s'apparente à l'autobiographie.
On distingue plusieurs formes d'écrits
autobiographiques :
- les mémoires : l'auteur se fait le témoin et le juge des événements
historiques de son temps (auxquels il a souvent été mêlé de près) ; c'est le
cas, par exemple, de René de Chateaubriand dans les Mémoires
d'Outre-tombe ;
- l'autobiographie affichée : l'auteur annonce clairement qu'il fait le
récit de sa vie et entreprend de mettre son cœur à nu, de cerner pour le lecteur
sa personnalité ; tel est le projet de Jean-Jacques Rousseau dans les
Confessions ;
- l'autobiographie fictive : l'auteur raconte la vie d'un personnage
réel ou fictif à la première personne du singulier ; ainsi, Marguerite Yourcenar
retrace la vie de l'empereur Hadrien comme s'il la racontait lui-même, dans les
Mémoires d'Hadrien ;
- le roman autobiographique : l'auteur prétend être bien distinct du
narrateur de l'histoire, mais glisse vers le récit de sa propre vie à travers la
vie de son personnage ; À la recherche du temps perdu de Marcel Proust en
est un bon exemple.
3. Quels sont les enjeux de l'autobiographie ?
Pourquoi se raconter ? Quelles sont les motivations qui
poussent un écrivain à faire le récit de sa vie ? Dans le cas des mémoires,
l'auteur a souvent le sentiment d'avoir joué un rôle important dans l'histoire
politique et sociale de son époque. L'écrivain prétend alors assumer une
fonction de témoin et de juge des événements historiques : le parcours
individuel de l'auteur se veut un exemple du parcours collectif, le miroir d'une
époque.
C'est l'objectif que se donne Chateaubriand lorsqu'il
écrit les Mémoires d'outre-tombe.
Toutefois, en faisant part au lecteur de ses sentiments, de ses joies
et de ses rancœurs, il expose dans son œuvre un
« moi » très singulier, il sonde son
cœur et son âme et se livre à de nombreuses analyses
de sa personnalité. C'est plus encore ce que fait Rousseau dans les Confessions, première autobiographie au sens moderne du
terme : son objectif est de se peindre en profondeur, sans complaisance
et avec la plus grande sincérité.
4. En quoi la frontière entre la fiction et
l'autobiographie est-elle problématique ?
Selon le critique Philippe Lejeune, l'auteur qui prétend
faire le récit de sa vie conclut avec le lecteur un « pacte
autobiographique » qui établit que l'auteur, le narrateur et le personnage
principal sont une seule et même personne et que cette personne s'engage à
raconter la vérité, sans rien déguiser. Pourtant, n'y a-t-il pas, dans
toute autobiographie, une part de fiction, une dimension romanesque qui
rend ce pacte problématique ?
D'une part, au moment où l'écrivain se raconte (le
« je » narrant), il n'est plus exactement le même que le personnage qu'il décrit
(le « je » narré) : le temps a passé, l'auteur porte sur celui qu'il était un
regard « à distance » et interprète a posteriori les événements de
sa vie. D'autre part, ses choix narratifs eux-mêmes sont partiaux et
forcément fragmentaires. Il ne peut pas tout dire et le lecteur est en
droit de douter de sa sincérité. Ainsi, Chateaubriand ou Rousseau ont la
tentation de tourner les événements à leur avantage, de se présenter sous un
jour favorable : il ne s'agit pas pour autant de condamner ces auteurs, mais
plutôt de relever dans leurs œuvres les traces de la fiction romanesque.
Enfin, un grand nombre d'œuvres se situent à la
lisière du roman et de l'autobiographie : le narrateur y dit « je » et se
met lui-même en scène à l'intérieur du récit (comme dans une autobiographie
habituelle), mais le texte se donne bel et bien comme un roman (une fiction).
Dans ces « romans autobiographiques », les relations que le lecteur
pourraient tenter d'apercevoir entre le narrateur et l'auteur, sont donc posées
comme inessentielles : par exemple, Proust, dans la Recherche du temps
perdu, insiste sur la distance qui sépare l'auteur Marcel Proust du
narrateur Marcel (dont le nom de famille n'est jamais cité).
La citation
« Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute
la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi. » (Rousseau)
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