L'apologue
L'apologue est un court récit qui vise à démontrer ou à
illustrer une leçon de morale par un exemple concret. Sa visée est donc avant
tout didactique et argumentative, mais il emprunte, pour convaincre, les
ressorts de la fiction. Quelles sont les différentes formes de l'apologue ? Le
message qu'il délivre est-il toujours évident ?
1. Quelles sont les différentes formes empruntées par
l'apologue au cours de l'histoire ?
L'auteur grec Ésope (vie siècle av. J.-C.) est le
premier grand écrivain à pratiquer l'apologue dans des fables en prose. En
France, la Renaissance voit fleurir le genre de l'utopie, tandis qu'au
xviie siècle, La
Fontaine publie ses Fables.
Par la suite, le siècle des Lumières a fréquemment
recours à la fiction didactique dans les contes philosophiques (Voltaire
en est un bon exemple), et la nouvelle, au xixe siècle, joue parfois ce
rôle. Enfin, au xxe siècle, certains récits
de science-fiction s'apparentent à l'apologue : ainsi, le Meilleur des
mondes d'Aldous Huxley avertit les hommes des risques qu'ils courent à trop
jouer avec les lois de la nature.
2. Quels sont les rapports entre la narration et
l'argumentation ?
Comme un essai ou un texte purement argumentatif,
l'apologue cherche à convaincre, à délivrer un enseignement
ou à faire réfléchir, mais de manière
détournée : c'est le récit qui est
chargé de mettre en scène des idées et des
valeurs. L'argumentation s'exprime à travers une fiction allégorique, ce qui permet d'incarner des principes abstraits
grâce à des personnages qui en retirent une valeur symbolique : dans la
fable de La Fontaine « le Loup et l'Agneau », les deux personnages incarnent de
façon immédiatement perceptible le principe du mal et celui de l'innocence ;
au-delà de cette dichotomie, le lecteur doit s'efforcer de décrypter la
scène afin d'en comprendre les enjeux plus vastes.
En principe, la visée pédagogique de l'apologue impose
que les situations narratives illustrent sans ambiguïté les valeurs morales
défendues par l'auteur. Toutefois, un texte véritablement littéraire ne saurait
se satisfaire de cette simplicité ; le jeu peut être alors de créer le
doute dans l'esprit du lecteur, de prendre quasiment le parti du loup contre
l'agneau, ou d'employer l'ironie, comme Voltaire dans Candide. Le lecteur
averti doit donc se tenir sur ses gardes et prêter attention aux symboles un peu
trop évidents.
Telle est en effet la différence principale entre une
argumentation directe et une argumentation rendue indirecte par la fiction : il
ne peut y avoir de stricte équivalence entre les deux, car toute situation
fictive, toute symbolisation, rend l'interprétation à la fois plus difficile et
plus stimulante.
3. Quelles sont les fonctions de l'apologue ?
L'apologue remplit les deux fonctions classiques de la
littérature selon l'auteur latin Horace : instruire et plaire. Les
premiers apologues de l'ère chrétienne sont les paraboles des évangiles
dans la Bible : la fiction permet de faire comprendre au lecteur ce qui pourrait
lui sembler trop abstrait ou obscur. De même, la tradition chrétienne au
Moyen Âge transmet un enseignement moral à travers le genre de
l'exemplum, récits des actions et des paroles de personnages célèbres et
dignes d'être imités.
Les écrivains des Lumières ont fréquemment eu recours à
l'apologue dans le but de critiquer le pouvoir et les institutions. La fiction
permet en effet de contourner plus facilement la censure en offrant un premier
niveau de lecture tout à fait inoffensif, qui peut s'avérer très
subversif lorsqu'il est interprété. L'apologue prend alors une nouvelle
dimension : son objectif n'est pas de délivrer un message unique, mais d'inciter
le lecteur à la réflexion.
La fonction ludique ne doit pas être oubliée pour
autant. Si l'apologue est préféré à l'essai austère, c'est parce qu'étant
plaisant, il retient davantage l'attention et permet de s'adresser au
plus grand nombre. En tant qu'œuvre littéraire, il est aussi conçu pour procurer
un plaisir esthétique. Les Fables de La Fontaine sont d'ailleurs
moins lues aujourd'hui pour la morale que l'on peut en tirer que pour leur
inventivité littéraire unique.
4. Qu'est-ce que l'utopie littéraire ?
Le mot « utopie » vient du grec ou topos, qui
signifie « lieu qui n'existe pas » et désigne, en littérature, l'évocation d'un
lieu imaginaire, d'une société idéale qui, par contraste avec la société
réelle, doit faire réfléchir le lecteur sur le monde qui l'entoure.
L'Utopie de Thomas More (1516) est l'ouvrage fondateur de ce genre. À
partir du xixe siècle,
le mot désigne une idéologie politique.
On peut qualifier de « contre-utopies » les
représentations littéraires d'une société sombre et noire, telle celle dépeinte
par George Orwell dans son roman 1984.
5. Qu'est-ce que le conte philosophique ?
L'alliance de ces deux mots est en elle-même un défi :
le conte, genre léger, associé à la tradition populaire et aux récits pour
enfants, est associé à l'adjectif philosophique qui évoque une méditation
des plus sérieuses. Or, tel est justement l'enjeu de ce genre d'apologue :
produire une fiction vive et plaisante, de facture traditionnelle, qui
permette la réflexion philosophique profonde. Voltaire est résolument le
maître du genre, avec des œuvres comme Candide, Zadig,
Micromégas, etc.
La citation
« Une
morale nue apporte de l'ennui.
Le conte fait passer le précepte avec lui. »
(La Fontaine, Fables)
|