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Bigamie
1 PRÉSENTATION

bigamie, terme qui désigne à la fois le fait pour une personne déjà engagée dans les liens du mariage d’en contracter un autre avant la dissolution du premier, et la situation d’une personne qui est unie par les liens du mariage avec deux conjoints simultanément.

En droit, il existe une différence entre le fait de contracter un second mariage et le fait d’être l’époux de deux conjoints, notamment pour déterminer le point de départ d’une prescription.

La civilisation occidentale, attachée au principe monogamique, prohibe la bigamie, contrairement à d’autres civilisations, comme la civilisation musulmane qui admet la polygamie, ou la civilisation tibétaine, qui admet la polyandrie.

La coexistence entre différents systèmes juridiques a conduit le droit français à distinguer selon qu’il est question de constituer un lien bigame, c’est-à-dire de contracter un second mariage avant la dissolution du premier, ou bien de déterminer le régime applicable à ceux qui vivent en bigamie.

2 CONTRACTER UN SECOND MARIAGE AVANT DISSOLUTION DU PREMIER

En France, il est interdit de procéder à la célébration d’un second mariage avec la dissolution du premier. La bigamie, d’ailleurs, est de réalisation difficile dans la mesure où il faut produire devant l’officier d’état civil un extrait de l’acte de naissance des futurs époux datant de moins de trois mois.

Le fait de contracter ce second mariage est réprimé par l’article 433-20 du Code pénal. Pour être constituée, l’infraction suppose l’existence d’un premier mariage prouvé, valable et non encore dissous. Afin d’échapper aux poursuites, il arrive souvent que l’époux convaincu de bigamie invoque comme moyen de défense la nullité ou la dissolution de son premier mariage, notamment lorsqu’il est contracté ou dissous à l’étranger. L’appréciation de ce moyen de défense est une question préjudicielle, réservée à la compétence des tribunaux civils : le juge pénal doit surseoir à statuer, et attendre la décision des juges civils pour pouvoir lui-même statuer sur l’infraction de bigamie.

Le second mariage est l’acte par lequel se consomme l’infraction. Une intention coupable est requise chez l’époux bigame : il doit être établi qu’il a connaissance de l’existence d’une première union non dissoute au moment de la célébration du second mariage. Cette intention coupable est établie avec facilité lorsque l’époux bigame a effectué des manœuvres tendant à tromper l’officier d’état civil — confection d’un faux acte d’état civil, susceptible de poursuites pénales pour faux en écriture publique. À l’inverse, la bigamie n’est pas punissable si le prévenu s’est cru libre lorsqu’il a contracté sa deuxième union, en commettant une erreur de fait ou de droit. L’erreur de fait ou de droit est cependant appréciée de manière restrictive par les tribunaux.

La répression encourue par l’époux bigame a suivi un mouvement constant vers l’indulgence. Sous le Code Napoléon de 1810, la bigamie était un crime puni des travaux forcés à temps (perpétuité). La loi du 17 février 1933 a correctionnalisé ce crime. Depuis l’instauration du nouveau Code pénal, en 1994, la répression s’est encore adoucie : le délit est passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende. Il est à noter que l’officier d’état civil qui prête, en connaissance de cause, son concours à la célébration d’un mariage entaché de bigamie est puni des mêmes peines.

Le régime des poursuites dépend étroitement de la définition de la bigamie adoptée par le droit pénal. En effet, dans la mesure où le droit pénal se contente d’incriminer celui qui contracte un autre mariage avant la dissolution du premier, il en résulte que les poursuites du chef de bigamie ne peuvent être intentées que pendant les trois ans suivant la célébration du second mariage. Ce délit contre l’état civil est ainsi une infraction instantanée, et non pas continue (ce qu’elle serait si le fait de vivre en bigamie avait été incriminé). En conséquence, si le premier conjoint ou le ministère public découvre la vérité après ce délai triennal, l’époux bigame ne pourra être condamné au pénal.

Le délit de bigamie n’est pas constitué, en outre, à l’égard des étrangers dont le statut personnel, c’est-à-dire la loi nationale, admet la bigamie. Le droit français reconnaît la validité de ces mariages : la bigamie ne heurte pas la conception française de l’ordre public international. Toutefois, le mariage bigame ne sera reconnu en France que s’il est régulièrement contracté à l’étranger, à la condition que les conjoints aient tous pour statut personnel une loi qui admette la bigamie. En revanche, la présence d’un conjoint de nationalité française interdit toute reconnaissance en France du mariage bigame.

3 ÊTRE MARIÉ AVEC DEUX CONJOINTS SIMULTANÉMENT

Le droit français distingue au sein des personnes vivant en état de bigamie celles dont le statut personnel interdit la bigamie, et celles dont la loi nationale autorise la polygamie.

À l’égard des personnes dont le statut personnel impose la monogamie, la bigamie est sanctionnée, au plan civil, par la nullité du second mariage. C’est une nullité absolue, de sorte que le ministère public est en droit d’en demander la nullité, tout comme le premier ou le second conjoint. L’action en nullité reste recevable pendant les trente ans qui suivent la cessation de la situation de bigamie. Le régime de cette action en nullité montre qu’est sanctionné, non pas le fait de contracter un autre mariage, mais le fait de vivre dans un état bigame. Outre la nullité, le premier conjoint dispose de la faculté de demander le divorce aux torts de l’époux bigame, ainsi que l’allocation de dommages-intérêts à raison du préjudice qu’il subit. Le second conjoint, quant à lui, peut demander la nullité de son mariage ainsi que, s’il est de bonne foi, l’attribution de dommages-intérêts et le bénéfice du mariage putatif.

Les étrangers, dont la loi nationale autorise la polygamie, peuvent se prévaloir en France, dans une certaine mesure, de leur situation bigame. Cependant, même régulièrement contracté à l’étranger, le mariage bigame ne confère pas l’ensemble des droits reconnus aux époux. Ainsi, les époux bigames, pour résider en France, doivent tous avoir un titre personnel de séjour : depuis la loi du 24 août 1993, les étrangers bigames sont exclus du bénéfice du regroupement familial. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette loi était conforme à la Constitution car « les conditions d’une vie familiale normale sont celles qui prévalent en France, pays d’accueil, lesquelles excluent la polygamie ». Enfin, la bigamie est un signe de non-assimilation pour les étrangers : à ce titre, l’époux bigame pourra se voir refuser la naturalisation française.

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