Bigamie
bigamie, terme qui désigne à la fois le fait pour une
personne déjà engagée dans les liens du mariage d’en contracter un autre avant
la dissolution du premier, et la situation d’une personne qui est unie par les
liens du mariage avec deux conjoints simultanément.
En droit, il existe une différence entre le
fait de contracter un second mariage et le fait d’être l’époux de
deux conjoints, notamment pour déterminer le point de départ d’une
prescription.
La civilisation occidentale, attachée au
principe monogamique, prohibe la bigamie, contrairement à d’autres
civilisations, comme la civilisation musulmane qui admet la polygamie, ou la
civilisation tibétaine, qui admet la polyandrie.
La coexistence entre différents systèmes
juridiques a conduit le droit français à distinguer selon qu’il est question de
constituer un lien bigame, c’est-à-dire de contracter un second mariage avant la
dissolution du premier, ou bien de déterminer le régime applicable à ceux qui
vivent en bigamie.
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CONTRACTER UN SECOND MARIAGE AVANT
DISSOLUTION DU PREMIER |
En France, il est interdit de procéder à la
célébration d’un second mariage avec la dissolution du premier. La bigamie,
d’ailleurs, est de réalisation difficile dans la mesure où il faut produire
devant l’officier d’état civil un extrait de l’acte de naissance des futurs
époux datant de moins de trois mois.
Le fait de contracter
ce second mariage est réprimé par l’article 433-20
du Code pénal. Pour être constituée,
l’infraction suppose l’existence d’un premier mariage
prouvé, valable et non encore dissous. Afin
d’échapper aux poursuites, il arrive souvent que
l’époux convaincu de bigamie invoque comme moyen de
défense la nullité ou la dissolution de son premier
mariage, notamment lorsqu’il est contracté ou dissous
à l’étranger. L’appréciation de ce
moyen de défense est une question préjudicielle,
réservée à la compétence des tribunaux
civils : le juge pénal doit surseoir à statuer, et
attendre la décision des juges civils pour pouvoir
lui-même statuer sur l’infraction de bigamie.
Le second mariage est
l’acte par lequel se consomme l’infraction. Une intention
coupable est requise chez l’époux bigame : il doit
être établi qu’il a connaissance de
l’existence d’une première union non dissoute au
moment de la célébration du second mariage. Cette
intention coupable est établie avec facilité lorsque
l’époux bigame a effectué des manœuvres
tendant à tromper l’officier d’état civil
— confection d’un faux acte d’état civil,
susceptible de poursuites pénales pour faux en écriture
publique. À l’inverse, la bigamie n’est pas
punissable si le prévenu s’est cru libre lorsqu’il a
contracté sa deuxième union, en commettant une erreur de
fait ou de droit. L’erreur de fait ou de droit est cependant
appréciée de manière restrictive par les tribunaux.
La répression encourue par l’époux bigame a
suivi un mouvement constant vers l’indulgence. Sous le Code Napoléon de 1810, la
bigamie était un crime puni des travaux forcés à temps (perpétuité). La loi du
17 février 1933 a correctionnalisé ce crime. Depuis l’instauration du nouveau
Code pénal, en 1994, la répression s’est encore adoucie : le délit est passible
d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende. Il est à noter
que l’officier d’état civil qui prête, en connaissance de cause, son concours à
la célébration d’un mariage entaché de bigamie est puni des mêmes peines.
Le régime des poursuites
dépend étroitement de la définition de la bigamie
adoptée par le droit pénal. En effet, dans la mesure
où le droit pénal se contente d’incriminer celui
qui contracte un autre mariage avant la dissolution du premier, il en
résulte que les poursuites du chef de bigamie ne peuvent
être intentées que pendant les trois ans suivant la
célébration du second mariage. Ce délit contre
l’état civil est ainsi une infraction instantanée,
et non pas continue (ce qu’elle serait si le fait de vivre en
bigamie avait été incriminé). En
conséquence, si le premier conjoint ou le ministère
public découvre la vérité après ce
délai triennal, l’époux bigame ne pourra être
condamné au pénal.
Le délit de bigamie n’est
pas constitué, en outre, à l’égard des
étrangers dont le statut personnel, c’est-à-dire la
loi nationale, admet la bigamie. Le droit français
reconnaît la validité de ces mariages : la bigamie ne
heurte pas la conception française de l’ordre public
international. Toutefois, le mariage bigame ne sera reconnu en France
que s’il est régulièrement contracté
à l’étranger, à la condition que les
conjoints aient tous pour statut personnel une loi qui admette la
bigamie. En revanche, la présence d’un conjoint de
nationalité française interdit toute reconnaissance en
France du mariage bigame.
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ÊTRE MARIÉ AVEC DEUX CONJOINTS
SIMULTANÉMENT |
Le droit français distingue au sein des
personnes vivant en état de bigamie celles dont le statut personnel interdit la
bigamie, et celles dont la loi nationale autorise la polygamie.
À l’égard des personnes dont le statut
personnel impose la monogamie, la bigamie est sanctionnée, au plan civil, par la
nullité du second mariage. C’est une nullité absolue, de sorte que le ministère
public est en droit d’en demander la nullité, tout comme le premier ou le second
conjoint. L’action en nullité reste recevable pendant les trente ans qui suivent
la cessation de la situation de bigamie. Le régime de cette action en nullité
montre qu’est sanctionné, non pas le fait de contracter un autre mariage, mais
le fait de vivre dans un état bigame. Outre la nullité, le premier conjoint
dispose de la faculté de demander le divorce aux torts de l’époux bigame, ainsi
que l’allocation de dommages-intérêts à raison du préjudice qu’il subit. Le
second conjoint, quant à lui, peut demander la nullité de son mariage ainsi que,
s’il est de bonne foi, l’attribution de dommages-intérêts et le bénéfice du
mariage putatif.
Les étrangers, dont la loi nationale autorise
la polygamie, peuvent se prévaloir en France, dans une certaine mesure, de leur
situation bigame. Cependant, même régulièrement contracté à l’étranger, le
mariage bigame ne confère pas l’ensemble des droits reconnus aux époux. Ainsi,
les époux bigames, pour résider en France, doivent tous avoir un titre personnel
de séjour : depuis la loi du 24 août 1993, les étrangers bigames sont exclus du
bénéfice du regroupement familial. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette
loi était conforme à la Constitution car « les conditions d’une vie familiale
normale sont celles qui prévalent en France, pays d’accueil, lesquelles excluent
la polygamie ». Enfin, la bigamie est un signe de non-assimilation pour les
étrangers : à ce titre, l’époux bigame pourra se voir refuser la naturalisation
française.
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