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Les Fables de La Fontaine

« Maître Corbeau, sur un arbre perché, tenait en son bec un fromage… » ; « La cigale ayant chanté tout l'été… ». Tout un chacun a en mémoire au moins un ou deux vers d'une fable de La Fontaine. Pourquoi un tel succès ?

1. Les caractéristiques des Fables

1.1. Qu'est-ce qu'une fable ?

La fable raconte une histoire courte et drôle qui a pour but d'apprendre quelque chose au lecteur tout en le distrayant. Les personnages sont typiques, parfois incarnés par des animaux.

La fable se compose souvent de deux parties, très inégales cependant : « le corps est la fable, l'âme la moralité », écrit dans sa préface La Fontaine. Le récit imagé permet ainsi de saisir une règle morale abstraite.

Les fables existent depuis l'Antiquité. La Fontaine a puisé dans cette tradition ancienne, adaptant les fables d'Ésope, notamment, ainsi que des contes orientaux. Il innove, pourtant, en les écrivant en vers. Allier le plaisant à l'instructif est un souci constant dans ses fables.

1.2. La structure des Fables

Les Fables sont divisées en douze livres, parus en trois recueils.

Le premier recueil contient la plupart des fables connues : la Cigale et la Fourmi, le Corbeau et le Renard, la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, le Rat de ville et le Rat des champs, le Loup et l'Agneau, le Renard et la Cigogne, le Chêne et le Roseau, etc.

Le deuxième recueil se veut moins anecdotique : la fable intitulée les Animaux malades de la peste prétend rien moins qu'à une peinture sociale complète. Progressivement, les fables ne sont plus seulement des histoires destinées à éduquer les enfants en les amusant : elles deviennent en quelque sorte le livre de méditation de La Fontaine.

Le dernier recueil couronne l'ensemble : certaines très belles fables peuvent se lire comme l'exposé poétique d'une philosophie de l'existence.

1.3. Le cadre spatio-temporel

Comme les contes, les fables sont généralement situées dans une époque vague et dans des lieux peu déterminés (la ville, les champs).

On y trouve pourtant certains détails de la vie du XVIIe siècle : allusion au roi, aux courtisans et à l'Église.

La Fontaine se moque du pape Innocent XI, qui n'était pas le fils d'un « planteur de choux », mais d'un banquier (VII, 11).

Ami du ministre Fouquet, il ne perd pas une occasion d'attaquer Colbert : Fouquet est la cigale, Colbert la fourmi, mais aussi la Grenouille jalouse qui cherche à avoir une fortune aussi grande que celle de Fouquet (la Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf).

Dans certaines fables, il transpose des faits divers qui sont réellement arrivés, par exemple l'histoire de deux dames qui se sont refusées pendant cinq heures le passage en carrosse dans une rue étroite de Paris (XII, 4).

2. Les thèmes principaux

2.1. Les animaux

« Je me sers d'animaux pour instruire les hommes », écrivait La Fontaine. Grâce au caractère qu'il attribue à chaque animal, il laisse deviner qui il met en cause.

Le Lion représente le pouvoir du roi, le Chat, l'hypocrite, le Renard, le rusé. Principaux acteurs des fables, les animaux parlent et s'animent sous les yeux du lecteur. La Fontaine les peint avec des détails expressifs (la maigreur du loup, le « col pelé » du chien, le « long bec emmanché d'un long cou » de la cigogne, la tortue qui avance à un « train de sénateur », etc.).

Tous sont présents : animaux sauvages et domestiques, grosses et petites bêtes, gentilles (l'âne, l'agneau) et féroces (lion, loup…) Mais La Fontaine ne cherche pas à écrire une encyclopédie du monde animal (le corbeau ne mange pas de fromage et la cigale ne chante pas !) : ce qui lui importe, c'est de donner de la vivacité et la plus grande variété possible à son univers.

2.2. La société

La Fontaine dresse un large panorama de la société de son temps. Il peint à la fois les grands (le roi et les courtisans) et les petits (les paysans, les artisans).

Le roi est critiqué : incarné par le lion, il se montre orgueilleux, tout puissant et souvent injuste. On redoute sa cruauté (le Lion, le Loup et le Renard) même s'il sait parfois se montrer généreux (le Lion et le Rat).

Le portrait des courtisans est plus négatif encore : ils sont décrits comme des parasites, des « machinateurs d'impostures » (le Berger et le Roi), des flatteurs (le renard dans la Cour du lion et dans le Lion malade et le Renard).

Les gens de la campagne sont eux aussi présents : bûcherons, bergers et paysans pauvres peuplent les fables. La Mort et le Bûcheron donne une excellente description de la vie paysanne du xviie siècle.

2.3. La mort

La mort constitue un thème important des fables. Elle est généralement présentée comme inévitable, condition même de la nature. La Fontaine propose une philosophie pour apprendre à mourir. « La Mort ne surprend point le sage ; il est toujours prêt à partir. » Elle ne doit être considérée que comme une simple formalité : « Quand le moment viendra d'aller trouver les morts, j'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords », écrit La Fontaine, dans le Songe d'un habitant du Mogol. La sagesse consiste à ne pas s'inquiéter de sa mort et à profiter au mieux de la vie.

2.4. L'homme

Bien que les animaux jouent un rôle très important, l'observation de La Fontaine porte sur l'homme, sur sa vanité (la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf), son avarice, son hypocrisie (le Corbeau et le Renard).

Les lois qui gouvernent les hommes sont dénoncées par La Fontaine qui regrette que les puissants, les riches, soient toujours les plus forts. La moralité du Loup et l'Agneau est très claire : « La raison du plus fort est toujours la meilleure. »

Dans l'ensemble, La Fontaine se montre pessimiste : son univers ne présente pas beaucoup d'espoir sur l'éventuelle bonté de l'homme.

3. Les techniques

3.1. La personnification

En mêlant les termes relatifs aux animaux et ceux qui concernent les hommes, La Fontaine permet une transposition constante entre les situations de la fable et celles des hommes : les animaux sont personnifiés. Le monde animal se met ainsi à représenter la société des hommes : le lion devient une allégorie du pouvoir ; le chat, de l'hypocrisie et la belette, de la ruse.

3.2. La moralité

Seules vingt fables n'ont pas de morale explicite. Toutes les autres contiennent, à la fin, au début, au milieu de la fable, une morale qui résume la leçon qu'on doit retenir. Cette moralité est souvent exprimée avec rapidité : « Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ; Mieux vaudrait un sage ennemi », ce qui la rend très semblable à un proverbe : « Chacun a son défaut où toujours il revient. »

3.3. La satire

La satire est un discours qui s'attaque à quelque chose ou à quelqu'un par la moquerie. Dans les fables, de nombreux défauts humains sont mis en cause. Mais c'est l'abus de pouvoir des forts envers les faibles qui est le plus souvent évoqué et mis en scène. Un grand nombre de fables présentent donc un lion, roi des animaux et figure symbolique du roi de France, ce qui permet à La Fontaine de critiquer indirectement certains défauts de la Cour.

3.4. Les vers

Les Fables sont en vers et leur mesure fait preuve d'une grande variété : La Fontaine utilise des vers longs (alexandrins ou décasyllabes, vers de 12 et 10 syllabes), mêlés à des vers brefs (notamment l'hexasyllabe, vers de 6 syllabes). Il joue souvent de ce mélange pour créer des effets de rythme, pour accélérer ou ralentir son récit, pour le rendre vivant. L'alternance la plus courante est celle entre l'alexandrin et l'heptasyllabe (vers de 7 syllabes).

4. Qui est Jean de La Fontaine ?

Issu d'une famille bourgeoise, Jean de la Fontaine devient avocat au Parlement et recherche, comme la plupart des artistes de son temps, la protection des grands, notamment celle du surintendant Fouquet, ministre du roi. Ses Contes et surtout ses Fables lui assurent une célébrité immédiate. Il entre à l'Académie française en 1683 et meurt en 1695.
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