Le point de vue du narrateur
Le narrateur est celui qui raconte l'histoire. Peut-il
se confondre avec l'auteur ? Avec l'un des personnages ? Quels sont les
différents points de vue qu'il peut adopter sur les événements narrés ?
1. Qui raconte l'histoire ?
C'est le narrateur qui raconte l'histoire. Il se
distingue de l'auteur (la personne réelle qui a créé le texte et dont le nom est
sur la couverture du livre), sauf dans un récit autobiographique comme par
exemple le Sac de billes de Joseph Joffo.
Selon le cas, il participe à l'histoire, dont il est un
des personnages, ou n'y participe pas.
1.1. Le narrateur participe à l'histoire
Si le narrateur participe à l'histoire, le récit est
rédigé à la 1re personne. On peut alors
distinguer deux cas :
— le narrateur est le personnage principal ;
c'est le cas par exemple dans Sans famille d'Hector Malot, où le
narrateur est Rémi, le personnage principal (« Je suis un enfant trouvé. Mais,
jusqu'à huit ans, j'ai cru que, comme tous les autres enfants, j'avais une mère
[…] ») ;
— le narrateur est un personnage secondaire qui
joue le rôle de témoin : il parle à la première personne pour rapporter ce qu'il
a vu ou entendu. Ce cas est beaucoup plus rare. Ainsi, dans le Grand
Meaulnes d'Alain Fournier, c'est François, le fils de l'instituteur, qui
raconte l'histoire du personnage principal, Augustin Meaulnes : « Nous étions
depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva. J'avais quinze ans ».
1.2. Le narrateur ne participe pas à l'histoire
Si le narrateur ne participe pas à l'histoire, le récit
est rédigé à la 3e personne. Il existe alors
deux possibilités :
— le narrateur, extérieur aux faits, n'intervient
pas. Il présente les événements sans commentaire ; l'histoire donne alors
l'impression de se raconter toute seule ;
— le narrateur manifeste sa présence par des
commentaires sur les lieux, les personnages ou les situations de son
récit ; interrompant son récit à la 3e personne, il peut même
intervenir à la 1re personne (« Nous avouerons que notre héros était
fort peu héros en ce moment », ironise Stendhal, dans la Chartreuse de
Parme, à propos de Fabrice del Dongo à la bataille de Waterloo) ou prendre à
partie son lecteur à la 2e personne. On parle dans ce cas
d'interventions ou d'intrusions du narrateur.
2. Selon quel point de vue ?
Dans un récit à la première personne, les événements
sont narrés selon le point de vue du narrateur ; c'est lui qui interprète les
faits. Son point de vue est donc « interne ». Dans un récit à la 3e
personne, le narrateur peut adopter :
— un point de vue externe,
— un point de vue interne (quand il montre les faits du
point de vue d'un personnage)
— ou le point de vue de celui qui sait tout
(omniscient).
2.1. Le point de vue externe (ou focalisation
externe)
Le narrateur est totalement extérieur aux
événements qui se déroulent. Il se contente donc de raconter ce qu'il peut
voir et entendre, rien de plus ; il ne sait rien en particulier de ce qui s'est
passé avant. Le lecteur est alors dans la même situation que lui.
Ce point de vue, peu fréquent, prévaut par
exemple au début du récit l'Enfant de la haute mer de Jules
Supervielle : « Comment s'était formée cette rue flottante ? Quels
marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut
Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres ?
[…] Et cette enfant de douze ans si seule qui passait en sabots d'un pas sûr
dans la rue liquide, comme si elle marchait sur la terre ferme ? Comment cela se
faisait-il ? Nous dirons les choses au fur et à mesure que nous les verrons et
que nous saurons. Et ce qui doit rester obscur le sera malgré nous. »
2.2. Le point de vue interne (ou focalisation
interne)
Le narrateur ne montre que ce qu'un personnage peut
voir et savoir. Il ne voit et ne sait rien de plus que lui. C'est le point
de vue utilisé par Daniel Pennac dans Cabot-Caboche. Le récit est à la
3e personne mais tous les faits sont racontés du point de vue du
Chien :
« — Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
Alors là, c'est une tout autre voix. Cela sort en
grondant du corps immense du Grand Musc, et les mots se mettent à rouler dans la
cuisine, comme les rochers d'une avalanche, ou plutôt – le chien n'a jamais vu
d'avalanche – comme les vieux sommiers, les carcasses de téléviseurs et les
réfrigérateurs déglingués dans la décharge de Villeneuve, près de Nice. »
2.3. Le point de vue omniscient (ou focalisation
zéro)
Le narrateur en sait plus que les personnages ; il voit
tout et sait tout comme une sorte de dieu, on dit qu'il est
omniscient.
Il connaît notamment le passé des personnages et leur
histoire : « M. Jo était le fils unique d'un très riche spéculateur dont la
fortune était le modèle de la fortune coloniale. » (Marguerite Duras, Un
barrage contre le Pacifique)
Il connaît aussi leurs pensées : « Une pensée surtout
faisait bondir [Dantès] : c'est que pendant cette traversée, où, dans son
ignorance du lieu où on le conduisait, il était resté si calme et si tranquille,
il aurait pu dix fois se jeter à la mer […]. » (Alexandre Dumas, le Comte de
Monte-Cristo)
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