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L'éloge et le blâme
La rhétorique ancienne distingue trois genres qui ont chacun un domaine d'application spécifique : le genre délibératif dont le but est de persuader, le genre judiciaire qui vise à accuser ou à défendre, et enfin le genre épidictique qui fait l'éloge ou le blâme d'une personne ou d'un thème. Ce dernier genre, enseigné dans l'Antiquité, prend place également dans la littérature, dès qu'un texte se fixe pour but de louer ou de blâmer dans une intention moralisante.

1. Quelles sont les origines historiques de l'éloge ?

La pratique de l'éloge remonte à l'Antiquité : les orateurs grecs avaient en effet l'habitude de célébrer les vertus de leur cité, sous la forme du panégyrique. Les Romains ont poursuivi l'exercice, en le personnalisant notamment avec les éloges des empereurs. Puis, avec l'arrivée du christianisme, le genre de l'éloge se spécialise dans la glorification de la vie des saints (hagiographie).

Le genre du portrait, apparu dans les salons précieux du xviie siècle, peut apparaître comme une prolongation et une diversification de l'éloge. Il prenait aussi bien la forme d'un jeu pratiqué dans les conversations mondaines (voyez la « scène des portraits » dépeinte par Molière dans le Misanthrope) que celle d'une activité littéraire, notamment chez les mémorialistes (le Cardinal de Retz, La Rochefoucauld, Saint-Simon), les épistoliers (Mme de Sévigné) ou les auteurs d'oraisons funèbres (Bossuet).

2. Quelles sont les différentes formes de l'éloge ?

Quelle que soit sa forme, l'éloge repose toujours sur un système de valeurs :
  • des valeurs morales, intellectuelles ou spirituelles (honnêteté, courage, fidélité, piété, etc.) ;
  • des valeurs esthétiques (beauté, grâce, élégance, etc.) ;
  • des valeurs pratiques (utilité, facilité d'emploi, coût réduit, etc.).
Cependant, ces valeurs sont nécessairement relatives et subjectives : elles dépendent des normes d'une époque, varient selon les groupes sociaux et les individus.

Certains genres, qu'ils soient littéraires ou non, sont par essence élogieux :

  • le blason est un court poème qui fait l'éloge du corps féminin ; les poètes de la Pléiade, Ronsard notamment, s'en étaient fait une spécialité ;
  • l'hymne et le panégyrique sont des chants de louange à la gloire d'un dieu ou d'un personnage célèbre ;
  • l'oraison ou l'hommage funèbres sont écrits en l'honneur d'un défunt ; Bossuet a ainsi célébré Henriette d'Angleterre, Duchesse d'Orléans, belle-sœur de Louis XIV ;
  • l'hagiographie fait le récit de la vie des saints sur un mode nécessairement laudatif ;
  • l'apologie vise à justifier et à défendre une doctrine ou une personne (plaidoirie d'un avocat, par exemple) ;
  • la publicité met en valeur les qualités d'un produit ou d'un service.
D'autres genres peuvent recourir occasionnellement à l'éloge : portrait positif d'un personnage dans un roman, valorisation d'une œuvre artistique dans un texte critique, éloge d'un mode de vie ou d'un groupe social dans un essai, etc.

3. Quelles sont les procédés employés pour louer ?

Le genre de l'éloge recourt à tous les procédés du registre laudatif :
  • un vocabulaire mélioratif ;
  • des figures par amplification (hyperbole) ou par opposition, des répétitions (anaphore, accumulation, énumération) ;
  • des métaphores et des comparaisons valorisantes ;
  • un rythme et une syntaxe qui donnent souvent une allure emphatique au discours.

4. Quelles sont les origines historiques du blâme ?

Symétrique de l'éloge, le blâme s'exprime, dans l'antiquité romaine, à travers la satire, genre poétique peu codifié qui associe la description railleuse d'une époque et l'enseignement moral qu'il convient d'en retenir. À l'instar des auteurs latins (Horace, Martial et Juvénal), les écrivains de la Renaissance (Marot) puis les classiques (Boileau) écrivent des satires en vers.

Plus généralement, la veine polémique et satirique se retrouve dans de nombreux textes dont l'intention est de condamner, de s'opposer à une attitude, une opinion ou des valeurs. Cet état d'esprit anime ainsi certains fabliaux du Moyen Âge, les récits de Rabelais, l'œuvre poétique d'Agrippa d'Aubigné, de nombreuses pièces de Molière, etc. Au xviiie siècle, en particulier, la pensée des Lumières fait la part belle à la contestation des institutions religieuses et politiques. Des écrivains comme Voltaire ou Beaumarchais, manient la satire avec délectation, dénonçant les travers des hommes et les vices de la société. « J'ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain ; je vous en remercie ; vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs vérités, et vous ne les corrigerez pas. Vous peignez avec des couleurs bien vraies les horreurs de la société humaine dont l'ignorance et la faiblesse se promettent tant de douceurs. On n'a jamais tant employé d'esprit à vouloir nous rendre bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. » (Voltaire, Correspondance.)

5. Quelles sont les différentes formes du blâme ?

Le blâme revêt des formes diverses, selon le degré d'intensité de la critique qu'il formule. De l'injure à la dénonciation argumentée, le genre évolue par degrés :
  • l'injure est une réaction vive et brève, propre aux disputes (dans la comédie, par exemple) ;
  • la caricature dresse un portrait négatif, en grossissant délibérément les défauts de l'individu qu'elle dépeint ;
  • la critique négative est une argumentation construite, qui a pour objectif de convaincre un interlocuteur.
Le blâme n'est pas propre à un genre littéraire précis : il peut-être distillé dans une œuvre romanesque, une pièce de théâtre, un essai, un article de journal, etc. Toutefois, il existe des genres dont la vocation est plus particulièrement de blâmer :
  • l'épigramme, poème très bref qui se termine sur une pointe satirique ;
  • le pamphlet, ouvrage incisif, très virulent, qui réagit sur le vif à une polémique ;
  • le libelle, écrit satirique, parfois diffamatoire.

6. Quelles sont les procédés employés pour blâmer ?

Les procédés les plus couramment utilisés pour blâmer sont :
  • un vocabulaire péjoratif ;
  • des figures par amplification (hyperbole) ou par opposition (antithèse) des répétitions (anaphore, accumulation, énumération) qui accentuent la réprobation, exagèrent la critique ;
  • des métaphores et des comparaisons dépréciatives ;
  • une ponctuation expressive, des phrases de type exclamatif ou interrogatif qui traduisent, par exemple, la colère et l'indignation du locuteur.
La citation

« Sans liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. » (Beaumarchais, le Mariage de Figaro.)
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